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Par : C.S.B
Publié : 22 mars 2014

Bloc note de l’Histoire

Petite histoire du suffrage universel

Entre élections présidentielles, législatives, municipales, cantonales, européennes etc. on oublie trop souvent qu’il n’en a pas toujours été ainsi.

La petite enveloppe bleue, le choix des bulletins imprimés, un rideau et puis, tombant dans l’urne transparente, une voix qui s’exprime, choisit, élimi­ne ou conteste. Un geste simple, un droit souverain, évident qui ne l’a pas toujours été mais qui, exercé librement reste un des fondements de la démocratie.

De la Révolution de 1789 à celle de 1848.

Après une première tentative avortée en 1793, « le suffrage universel et direct » n’est proclamé qu’en 1848 et pour l’élec­tion du président de la République. La France est alors le premier pays du monde à l’instituer, mais l’universalité est réser­vée aux hommes. En sont aussi exclus les militaires et le clergé et, parmi les coloni­sés, les algériens. Brutalement, le corps électoral, jusque-là res­treint par le suffrage censitaire (lié au montant des impôts payés), passe de 246000 à plus de 9 millions d’électeurs, dont bon nombre d’analphabètes. Un article du Journal des ouvriers du 22 mars 1848 signale que le Club Lamartine propose le soir des cours « d’éducation politique » destinés à venir « en aide au dévelop­pement de l’intelligence ».

Des slogans vengeurs.

Ledru-Rollin, Louis Napoléon Bona­parte et Cavaignac se disputent les suffrages à coups de slogans vengeurs. La publi­cité comparative électorale envahit les murs. « Ne votez pas pour Louis Napoléon Bonaparte, c’est la guerre, les luttes, l’anarchie, la conscription, les alliés. Cavaignac, c’est l’ordre, la sécurité, le repos, la paix, le retour de la confiance. Votez pour Cavaignac ! » Proclame une affiche. Louis Napoléon Bonaparte recueille 5 534 520 suffrages. Au lendemain, une proclamation solennelle signée du préfet se félicite de cette première élection et du « calme et de la gravité » qui l’ont entourée. « Avant le scrutin, prévient-elle, le devoir de tout citoyen était de faire prévaloir le candidat dont il espérait le plus grand bien pour la patrie. Après le scrutin, un devoir non moins grave lui est imposé. Il doit s’incliner devant le jugement de la majorité, étouffer le souvenir de ses prédilections et se rallier franchement à l’élu de la nation. » Moins de 4 ans plus tard le Prince président Louis Napoléon Bonaparte se fait sacrer empereur des Français, c’est Napoléon III. Le suffrage universel mettra 20 ans à s’en remettre. Ce droit, rétabli en 1871, en entraîne aussitôt un autre, celui de ne pas s’en ser­vir.

Octave Mirbeau et la pêche à la ligne.

La figure de l’abstentionniste apparaît pour la première fois sous la plume du journaliste anarchiste Octave Mirbeau, qui, dans Le Figaro du 14 juillet 1889, recommande à l’électeur de partir « tran­quillement pêcher à la ligne » plutôt que d’aller exercer un droit illusoire. L’image de l’abstentionniste pêcheur à la ligne per­dra au fil du temps son contenu subversif, au grand dam des libertaires, mais restera francophone. Les abstentionnistes ita­liens sont allés « à la mer » et les norvégiens « votent pour leur canapé ».

De la fraude à l’isoloir.

Sous la IIIe République, le droit d’exer­cer son vote s’est entouré de multiples pré­cautions. En 1902, est votée la première loi sur la répression des fraudes en matière électorale. En 1913, un pas décisif est franchi pour le respect du secret du vote, avec l’introduction de l’isoloir, de l’enveloppe et l’obligation faite au votant d’introduire lui-même son bulletin dans l’urne. La première loi réglementant les panneaux d’affichage électoraux date de 1914, tout comme celle réprimant la corruption électorale. En 1919, la « propagande » électorale est à son tour réglementée. Il faudra attendre 1944 pour que l’universalité s’élargisse aux femmes et leur accorde ce « droit de monter à la tribune comme à l’échafaud » que réclamait Olympe de Gouges, 150 ans plus tôt. Un an plus tard, une ordonnance met fin au silence de la « grande muette » en permettant aux militaires de devenir électeurs et éligibles.

En 1968 on voit sur une affiche un pavé de Paris, surmonté du slogan : « Ton droit de vote ». Celui-ci ne s’exerce encore qu’à 21 ans. C’est 6 ans plus tard que le tout nouveau président élu, Valéry Giscard d’Estaing, proposera l’abaissement de la majorité électorale à 18 ans. (D’après un article de P-R D.)

L’abus de promesses est dangereux pour la santé et la crédibilité des politiques.

A quelques jours des élections municipales on a pu constater (au moins localement) l’ardeur des candidats à défendre leur programme bec et ongle à chaque coin de rue ou à chaque pâté de maisons. On a pu voir (entendre) la fièvre de leur enthousiasme les faire déambuler avec leurs équipes (mixtes, parité oblige) dans les rues, la voix rauque et saccadée tant les remontrances sont nombreuses, tant l’envie de vivre leurs idées les éteignait comme parfois l’amour étreint les passionnés. On a pu assister à des prêches de plus ou moins haute vol­tige, lors de réunions publiques avec des arguments chocs car souvent leurs convictions les entraînaient (presque) dans une démagogie de bazar chargée de promesses qu’on ose croire tout en sachant quelles seront vite oubliées.

On a entendu tout et son contraire, on n’a assisté qu’à peu de joutes verbales, la monotonie a parfois sembler que les protagonistes au trône municipal, convaincus de gagner, oubliaient qu’il n’y aura qu’un vainqueur et que les autres n’auront qu’un tout petit strapontin ou rien du tout. On aurait pu croire au contenu flatteur des programmes distribués généreusement mais croire en politique n’est réservé qu’aux électeurs. L’agitation des idées (parfois neuves) a permis de mixer les points de vue sinon les candidats et d’ouvrir aux électeurs les portes du choix raisonné ou partisan.

Du coup, rêvons que les citoyennes et les citoyens conscients de leur pouvoir souverain se précipitent en masse pour voter et n’oublient pas que l’abstention est l’ennemie de la démocratie.