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Publié : 28 avril 2015

Les rencontres d’Innover &Agir

Des solutions pour la crise du "vivre en ensemble"

Ce lundi 27 avril 2015, dans le cadre des « rencontres d’Innover&Agir », une conférence sur le « comment mieux vivre ensemble » a réuni Benjamin Stora et Edwy Plenel à la tribune face à plus de 300 personnes aux Mureaux.

L’association « Innover&Agir pour les Mureaux » a organisé sa première conférence/débat dans le cadre de «  Les rencontres d’Innover&Agir » à l’Espace des Habitants aux Mureaux. Les invités et intervenants de cette soirée, en plus des 300 personnes, voire plus, présentes, sont Benjamin Stora, historien et sociologue, et Edwy Plenel, journaliste fondateur de Médiapart. Un troisième intervenant était prévu : Edgar Morin, philosophe et sociologue. Malheureusement retenu, il n’a pas pu être présent.

A 19h45, la conférence a commencé avec Ali Mohammad, Mbarek Akafou et Nathalie Boldrini qui ont introduit le sujet et les conférenciers de cette soirée, tout en rappelant la présence de la librairie de la «  Nouvelle Réserve » de Limay, du préfet et des fondamentaux de leur association « Innover&Agir pour les Mureaux ».

Cette conférence s’est structurée en trois parties. La première partie a exploré la vision nationale du « vivre ensemble » et sa crise. La seconde partie, très intéressante, s’est organisée autour d’un échange « questions/réponses » avec le public nombreux. Et la troisième et dernière partie est revenue sur le «  vivre ensemble » local, c’est-à-dire aux Mureaux avec également un échange « questions/réponses ».

Un creusé des civilisations

Pour introduire la première partie, Mme Jacqueline Dagès, ancien professeur de français émérite du lycée François Villon des Mureaux, a défini, dans son intervention, la notion de « vivre ensemble ». Cette notion est présente dans les mythes fondateurs. Elle est un creusé des civilisations puisqu’il a bien fallu accepter l’autre pour vivre en communauté. Mme Dagès souligne également la présence, dès le départ, d’un problème pour maintenir ce «  vivre ensemble » par les mythes d’Abel et Caïn ou encore celui de Romulus et Remus. Des mythes fondateurs de civilisations qui sont également des exemples de la « non acceptation » de l’autre. Elle a retracé la vision de la notion du « vivre ensemble » de l’antiquité à nos jours en passant par les philosophes des lumières. Définissant le «  vivre ensemble » comme une cohabitation paisible, elle en présente sa crise actuelle par le fait du « replis sur soi et du rejet de l’autre ». «  Pourquoi ? Comment ? » sont les questions que Mme Dagès a posé aux invités de cette soirée pour conclure son propos.

« Nous ne sommes pas des grands frères qui viennent donner des solutions. »

Le premier des intervenants à prendre la parole est Edwy Plenel, qui commence en soulevant « l’embarra » de la situation . « Nous ne sommes pas des grands frères qui viennent donner des solutions.  » « Notre apport ne peut qu’être qu’un apport citoyen ! » Il souhaite apporter des réponses à la place des personnes qui devraient le faire et qui sont pour lui nos représentants. « Je ne crois pas qu’en profondeur nous ne sachions pas comment vivre ensemble. » Pour lui, pour trouver sa propre humanité, il faut savoir aller vers l’autre. Il met au cœur de son propos la devise de la France : Liberté, Egalité et Fraternité.
La notion « d’égalité » est au cœur de tout pour lui et il déplore le fait que l’inégalité est prônée en toute chose. « C’est la barbarie au cœur de nos sociétés civilisées !  » Le nouveau visage de l’inégalité est le « discours identitaire ». Ce discours enferme et immobilise les populations dans leurs appartenances d’origine. Cela s’oppose à l’identité des français qui est faite de relations. «  Il faut revitaliser le mot « fraternité » ». «  La France est une Amérique de l’Europe  » ajoute t-il. Le problème, selon Edwy Plenel, est que le discours politique diffère de la réalité. « On a à revendiquer cette France multiculture ». Il prend en exemple la loi sur la surveillance à venir, qu’il nomme «  liberticide ». Cela va démobiliser les Français. Ils ne pourront plus être « des créateurs ». Une dimension importante pour lui puisque « c’est par cette dimension qu’une nation s’invente !  »

« Il faut retrouver l’Humanité et la compassion »

A sa suite, Benjamin Stora développe une autre notion importante et essentielle pour le «  vivre ensemble » celle «  d’humanité  ». « Il faut retrouver l’Humanité et la compassion  ». Des notions qui se perdent et qui ont des conséquences. «  Il faut retrouver le chemin de la compassion pour développer le « vivre ensemble » ». «  La nécessité du « vivre ensemble » est le fait de faire preuve d’humanité ». C’est à construire. C’est pour lui absent des grands discours politiques et philosophiques actuels. Prenant l’exemple des migrants mourant en traversant la Méditerranée, il regrette l’absence de mobilisations citoyennes, de discours, de pétition ou de prises de position pour dire « nous sommes en position de solidarité et de protection. » Retrouver ce chemin de la compassion et de l’Humanité, c’est retrouver le chemin de la politique idéale. Car le « vivre ensemble », c’est d’abord avoir des projets ensemble. C’est pour définir et construire une cité ensemble. Sans le fait de vouloir construire une société ensemble en reconnaissant l’appartenance à une même Humanité, comment, et cela est sa conclusion, « construire le vivre ensemble » !

La partie débat avec le public a montré comment les habitants des Mureaux et d’ailleurs ont su reprendre le thème et les solutions proposées pour présenter leurs propres expériences. Par exemple, un jeune musulman des Mureaux, qui, suite aux évènements du 7 janvier 2015, a voulu arborer le « Je suis Charlie  » et qui s’est fait critiquer sur la toile et dans les réseaux sociaux. Pourtant, sur la commune, les autorités religieuses chrétiennes et musulmanes ont rédigé, au lendemain des attentats, un communiqué pour montrer leur unité dans la dénonciation de ces actes « barbares ».

La troisième partie de la conférence a permis au public de s’exprimer sur leurs problèmes du quotidien liés au « vivre ensemble ». Les intervenants ont, par ce biais, développé sur le local les notions développées dans la première partie. « Oui, il est possible de miser sur les Mureaux » a fait remarquer un pharmacien du coin. Malgré quelques vicissitudes (« la France ne veut pas de nous ! »...) il est ressorti un message « arc en ciel » qui se veut refondateur visant à reconstruire le pays avec ceux qui partagent les valeurs intrinsèques de la République, unie et indivisible : liberté, égalité et fraternité. En somme, la France est sans cesse en train de se refabriquer et dans ce sens là « nous sommes comme les Américains » de l’Europe. Le vrai défi est de donner un idéal/imaginaire positif à nos compatriotes qui cherchent tous à construire et à vivre dans un monde meilleur.

Mbarek Akafou a conclu cette conférence/débat en reprenant une phrase d’Edwy Plenel sur la construction de l’identité qui est le résultat des relations faites. C’est en acceptant le « vivre ensemble  » que la construction est possible. Il faut retrouver « l’Humanité et la compassion ».

« Revival et Grass roots democratie ! »

Faire revivre notre démocratie, faire taire les incrédules à notre modèle républicain sont des véritables défis de demain. Ce sorte de croisade pour la République devrait continuer dans tous les points cardinaux de la France. Nous devons engager encore une fois la bataille d’idées pour et par la République.

Grâce à des intellectuels tels MM. Stora et Plenel, qui mouillent leur chemise, la rencontre entre le peuple et la République peut et doit se faire. La prise de parole libère et des espaces d’échange et de liberté sont possibles et imaginables. Enfin, pour reprendre l’expression d’Edwy Plenel « les Américains de l’Europe » doivent reconquérir la démocratie par la base. C’est le sens de la « grass roots democratie » chère à nos cousins de l’outre-Atlantique. En s’émancipant de l’ignorance et en allant vers l’autre - quelque soit son parcours et son origine - on peut reconstruire notre pays sur les ruines laissées par l’oligarchie qui nous gouverne.