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Par : C.S.B
Publié : 12 mai 2015

Concertation et environnement

Démocratie participative et modernisation du dialogue environnemental

Comment la participation citoyenne peut-elle enrichir et améliorer les décisions publiques et les projets d’aménagement ? Mardi 5 mai 2015, la commission spécialisée du Conseil national de la transition écologique, installée par Ségolène Royal, a présenté ses travaux en cours, avant la remise d’un rapport final fin mai.

A l’initiative du ministère de l’environnement, des chercheurs spécialistes de ces questions et des acteurs engagés sur le terrain ont apporté leur éclairage puis deux tables rondes sur les bonnes pratiques ont permis ensuite à des représentants de collectivités locales, d’associations et de maîtres d’ouvrage de dialoguer.

Indispensables initiatives civiles

Après le discours d’ouverture de la ministre Ségolène Royal, Edgar Morin philosophe et sociologue qui se consacre depuis vingt ans à relever le défi de la complexité des problèmes humains, sociaux et politiques, est venu témoigner qu’il fallait « modifier, voir transformer notre mode de vie et être amenés à repenser notre civilisation même  ».

Edgar Morin

Né en 1921, Edgar Morin est l’un des plus grands penseurs contemporains. Attaché à une connaissance libérée de tout cloisonnement, seule à pouvoir répondre au défi de la complexité du réel, voilà plus d’un demi-siècle qu’il élabore une œuvre dont la diversité n’a guère d’équivalent. A la manière d’un encyclopédiste, il a abordé des disciplines aussi différentes que la sociologie, l’anthropologie, l’épistémologie des sciences, voire la poésie et l’autobiographie. Dernier ouvrage paru : Au rythme du Monde (Presses du Chatelet, 2014).

Le sénateur Alain Richard a été ministre de la Défense de 1997 à 2002, il est actuellement membre de la Commission des lois et de la Commission des affaires européennes du Sénat. Il anime actuellement les travaux de la Commission spécialisée du Conseil national de la transition écologique sur la démocratisation du dialogue environnemental.

Pour lui la démocratie représentative suffit à transmettre les aspirations des citoyens dans les situations ordinaires mais les expériences ont montré qu’il y a une distance, un fossé, une crise de la démocratie, pendant les périodes d’insécurité. Les angoisses se développent et provoquent une fermeture, une peur latente qui provoque des blocages et dans cette situation « la démocratie tombe ». Le vide qui instaure alors peut être comblé par le contrôle des instances représentatives et surtout par « les initiatives de la vie civile » par lesquelles commence la démocratie participative.

L’obsession du nouveau

Le deuxième thème abordé, le consumérisme, est qualifié par le philosophe de « pathologie ». Il évoque par là « l’obsolescence programmée  » contre laquelle il conseille « d’aller d’une civilisation du jetable vers une civilisation de la consommation réparable et surtout consciente ». Mais il faut faire attention ajoute-t-il, si aller vers la démocratie participative, qu’il juge plus humaine, est un progrès, il ne faut pas le faire «  de façon brutale » c’est une pratique qui doit être progressive car l’aspiration individuelle comme collective est d’aller vers un mieux être en douceur.

Cette notion de « conscience » reviendra tout au long du colloque où il fut plus souvent question de démocratie participative que d’environnement.

Modernisation du droit de l’environnement

« L’efficacité des politiques publiques dépend beaucoup de la façon dont sont prises les décisions. Il faut faire davantage confiance à l’intelligence collective des citoyens, écouter tous les points de vue et discuter tous les projets pour construire ensemble l’intérêt général . » C’est par cette déclaration du 5 mai 2015 que Ségolène Royal ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, a réaffirmé le sens de la modernisation du droit de l’environnement et annoncé le renforcement de l’indépendance de l’autorité environnementale régionale. La ministre a rappelé combien elle est attachée à ce que la participation des citoyens aux décisions qui les concernent soit garantie et a annoncé que le renforcement de l’indépendance de l’autorité environnementale est en très bonne voie.

Une commission spécialisée

Cette commission est composée de représentants désignés par les membres du Conseil national de la transition écologique (CNTE), la Commission spécialisée sur la démocratisation du dialogue environnemental présidée par l’ancien ministre et sénateur Alain Richard a pour objet de dresser un inventaire de toutes les procédures existantes mais également de formuler des propositions qui, seront « rendues fin mai pour ensuite être discutées avant l’été et faire, si nécessaire, l’objet d’un texte législatif en septembre ».

Les trois grandes orientations que propose la commission

1-Préciser dans la loi les principes généraux relatifs au dialogue environnemental et les modalités de leur mise en œuvre.

C’est-à-dire :

- Donner des bases juridiques aux principes auxquels doit répondre le dialogue environnemental.

- Améliorer le cadre juridique et clarifier les concepts participatifs.

- La commission nationale du débat public (CNDP) élaborerait un guide de savoir-faire à destination de ceux qui organisent une concertation publique, garantissant la loyauté des modalités et les conditions du recours à un garant de la concertation.

2- Introduire un mécanisme permettant un débat très en amont d’un projet sur ses fondements et ses objectifs. Pour cela la commission étudie l’introduction d’une phase de consultation du public avant l’approbation d’un plan ou d’un programme soumis à une évaluation environnementale. Cela permettrait de placer au bon endroit la concertation publique sur l’opportunité des projets qui mettent ensuite en œuvre la politique ainsi définie.

Cette phase de participation du public avant la confection du dossier de saisine permettrait que les divergences de vues soient ainsi détectées plus tôt.

Dès lors que la demande serait acceptée, le porteur de projet aurait l’obligation d’y souscrire avec l’intervention d’un garant (la CNDP), chargé à l’issue de la concertation d’en dresser la synthèse et de préciser les questions devant être traitées dans les phases ultérieures d’élaboration du projet.

Ces propositions ne modifient pas les procédures d’instruction des demandes d’autorisation, elles apportent un complément à la phase amont de préparation du dossier d’instruction, dont seul le maître d’ouvrage maîtrise le délai pratique en dialogue avec le service instructeur.

3- Rendre plus lisible l’apport du public à l’évolution d’un projet. Ainsi, la commission considère que l’ouverture de la concertation amont est une contribution importante à l’évolution d’un projet, dès l’examen de ses fondements. C’est aussi pourquoi elle examine l’utilité de rendre obligatoire dans les dossiers d’enquête publique ou de demande d’autorisation la production d’une pièce rendant compte des conclusions détaillées de la concertation conduite et, surtout, de la façon dont elles ont été, ou pas, prises en compte pour la suite du processus. Elle souhaite également que puissent être versées aux débats les expertises conduites par des tiers hors de la responsabilité du maître d’ouvrage.

Le but est bien :

- d’améliorer le contexte du dialogue environnemental

- la poursuite de la mise en cohérence des diverses autorisations d’environnement sur le modèle « autorisation unique,

- une garantie aux porteurs de projet contre les allongements anormaux de durées d’instruction des demandes ;

- un contrôle de la prise en compte effective des mesures compensatoires environnementales ;

- une démarche d’extension des bonnes pratiques parmi les services de l’État comme autorité compétente pour statuer.

En conclusion provisoire on peut considérer que si les travaux ne sont pas encore achevés, les débats comme les auditions ou les multiples contributions reçues font apparaître des attentes fortes :
· garantir un débat le plus en amont possible d’un projet pour s’assurer d’abord de son
opportunité avant d’en examiner les impacts environnementaux,
· améliorer la transparence et l’objectivité des données et des études sur lesquels s’appuient
les porteurs de projets,
· réconcilier le public avec les mécanismes participatifs en leur donnant une place plus lisible
dans l’ensemble du processus conduisant à une décision.