Loin de sa rive de la Seine, un historien local amateur peut s’intéresser à d’autres sujets et vous faire partager ses découvertes. C’est un déjeuner familial qui a suscité ses recherches sur l’origine du mot désignant les grillades en plein air et sur l’histoire de ce mode de cuisson que vous avez, nombreux, pratiqué ces dernières semaines.
Il n’est plus nécessaire de passer de nombreuses heures dans des bibliothèques pour faire le tour de telles questions. Comme pour nos recherches sur le passé de notre village et de notre territoire, la bibliothèque numérique Gallica et diverses archives sur Internet nous ont apporté des réponses.
"Barbe à queue" ou "barbacoa" ?
Selon une hypothèse, courante en France et dans d’autres pays francophones, tels le Québec, le mot « barbecue » viendrait de l’expression de la « barbe à la queue », signifiant que l’animal était embroché de tout son long pour être cuit.
Une explication plus historique est que ce terme anglo-saxon viendrait d’un idiome de la tribu Taïno des Caraîbes. Les explorateurs espagnols auraient découvert sa technique de cuisson bien particulière : elle disposait la viande sur une grille en bois suspendue au-dessus d’un brasier, permettant une cuisson lente de la viande (illustration du titre de cet article) ; un autre avantage était de tenir les denrées à bonne distance du sol, donc des animaux. De plus, la fumée permettait d’éloigner les insectes et participait à la conservation de la viande.
C’est l’hypothèse présentée, le 8/5/2007, dans l’émission « A bon entendeur » de la Radio Télévision Suisse ; dans une autre émission de télévision « Une histoire d’appétit » sur la chaîne Voyage, il est affirmé que le mot « barbecue » vient de l’expression caribéenne « Bara bi cu » qui signifie « foyer sacré ».
Notre recherche dans la bibliothèque numérique Gallica confirme la déformation du mot « barbacoa » par des Américains qui l’ont ensuite abrégé en BBQ. Le Dictionnaire du Trévoux, ouvrage historique rédigé sous la direction des Jésuites pour synthétiser les dictionnaires français du XVIIe siècle, contenait déjà, en 1771, la définition suivante :
BARBACOA. s. f. Espèce de grand gril de bois, élevé dans le milieu d’un boucan, sur lequel on met la viande & le poisson qu’on veut faire boucaner. Ce terme, qui est caraïbe, a passé dans la langue françoise, depuis que les François se sont établis dans les îles Antilles de l’Amérique.
Le mot « barbaque » en serait issu, selon la revue Le Mercure de France du 1er août 1932 :
Barbaque, Viande, populaire dès 1877-1880, et sobriquet d’un boucher marron de la Chapelle en 1873 (Gazette des Tribunaux, juin) semble s’expliquer au mieux par l’espagnol de Haïti et du Mexique barbacoa, Viande boucanée, dont l’anglais a fait barbecue, et que nos soldats auraient rapporté du Mexique en 1861-1863.
Un bœuf embroché dans le parc du château de Maisons, en 1843
Les Anglais maîtrisaient déjà le rôtissage en plein air. Le journal L’Illustration du 6 mai 1843 relatait l’inauguration de notre ligne de chemin de fer Paris-Rouen, trois jours plus tôt. Non loin de chez nous, à Maisons, un banquet avait été présidé par Jacques Laffite, propriétaire du château, dont le nom n’avait pas déjà été accolé à celui de la ville :
« C’est dans ce parc qu’a eu lieu ces jours passés un repas en harmonie avec les mœurs anglaises, et qui rappelle les festins des héros d’Homère. Un bœuf entier a été servi rôti à six cents ouvriers, qui venaient de mettre la dernière main au pont de Maisons. »
La légende du dessin apporte des précisions : (Rôtissage du bœuf à Maisons. -Le tourneur de la broche : un Anglais. -Les cuisiniers : Gien, de Paris ; Poua, de Belleville ; Fiault, de Poissy.)
63 000 « invités » à un barbecue californien, en 1924
Le mot « barbecue » semble s’être imposé en France dans les années 1950 mais il est apparu dans les journaux vers 1920. Chacun des articles que nous avons retrouvés sur ce sujet relatait, toutefois, un grand repas aux Etats-Unis, où des bœufs entiers étaient souvent embrochés.
Aujourd’hui lorsque vous voulez organiser une manifestation, vous lancez une invitation sur Facebook. Il y a quelques années, des jeunes qui ne s’étaient pas méfiés, aussi bien en France qu’aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne, n’ont pas pu maîtriser la situation ; plusieurs dizaines de milliers de personnes s’étant « invitées » à leur fête d’anniversaire, ils durent faire intervenir la police. En 1924, c’était la radio qui était utilisée dans ce but ; les adeptes de ce media n’étaient pas des internautes mais des radio-amateurs qui se nommaient les sans-filistes. Le texte suivant est celui d’un article publié dans Le Petit Parisien, le 27 juillet 1924.
LE SANS-FILISTE IMPRUDENT OU L’INVITATION A DINER COLLECTIVE
Cette histoire - qui n’est peut-être pas tout à fait inventée - court les milieux sans-filistes. Un capitaine, M. Edward A. Salisbury, éleveur des environs du lac Elisabeth, en Californie, eut dernièrement l’idée de broadcaster de Los Angeles le message suivant « Vous êtes tous invités à dîner chez moi. »
En trois jours, il reçut 27.000 acceptations. Aussitôt, il chargea cinquante hommes de creuser des tranchées pour rôtir les bœufs constituant le menu du barbecue, engagea 35 cuisiniers, des centaines de sommeliers, acheta 220.000 livres de boeuf, 50.000 pains, 30.000 pommes, 800 livres de café, 1.000 livres de sucre, 2.500 livres de salade et 30.000 assiettes en carton.
Mais ces préparatifs se révélèrent lamentablement insuffisants car, au jour et à l’heure fixés, pas moins de soixante-trois mille personnes personnes « débarquèrent » chez l’amphitryon. A quatorze heures, on avait compté 15.000 autos dans le canyon conduisant au ranch du capitaine. Celui-ci dut faire appel au concours de la police montée pour renvoyer chez eux, manu militari, les 25.000 convives qui n’avaient pu trouver à manger. Il est vrai que, pendant ce temps, les 38.000 autres savouraient un excellent repas en plein air, agrémenté de concerts de musiques militaires et de « numéros » humoristiques transmis par haut-parleur.
Il est dommage qu’on oublie d’indiquer le montant de la facture que dut payer l’intrépide organisateur de ce festin pantagruélique.
De la bouée nautique au foyer à air pulsé
Disposez-vous d’un barbecue bricolé avec des briques ou quelques pierres ou bien réalisé en maçonnerie ? Si vous avez opté pour un modèle sphérique avec un couvercle, le plus vendu dans le monde entier, vous serez plus particulièrement intéressé à connaître son origine. La marque de ces matériels évoque un compositeur allemand de musique romantique. Le nom de l’inventeur américain de ce modèle de barbecue est, toutefois, moins connu car ce nom est celui de la société où il travaillait et qu’il a, ensuite, acquise pour produire ses matériels en grande série.
Quelle est la part de la légende dans cette histoire ? Nous pouvons lire, même sur le site Internet de cette société, qu’après plusieurs expérimentations pour trouver une alternative aux barbecues en briques, la vue d’une balise au cours d’une balade en voilier donna, en 1952, à Georges Stephen l’idée de s’en inspirer.
En fait, son employeur à Chicago, Weber Brothers Metal Works, fabriquait, en particulier, des bouées nautiques en acier. Il aurait divisé l’une de ces balises en deux pour utiliser la partie inférieure, équipée de trois pieds, en tant que cuve et la partie supérieure comme couvercle. Ce premier barbecue-boule, permettant un contrôle de la cuisson, fut l’objet d’améliorations successives qui se poursuivent de nos jours.
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