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Publié : 20 novembre 2016

Fiscalité et finances locales

La fronde au sein de la communauté urbaine : "Nous ne sommes pas des pigeons !"

Depuis juin 2015, ce différend, très technique, couve entre la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPS&O) et des communes de l’ancienne Communauté d’agglomération 2 Rives de Seine (CA2RS) : c’est une question de "sous". Qui va payer et pour quels objectifs communautaires (compétences, diraient les experts) ?

Lors du conseil communautaire du 17 novembre, un protocole financier général, qui fixe, en somme, la participation des communes au pot commun, a fracturé la droite locale majoritaire : 59 élus ont voté pour, 45 contre et 22 se sont abstenus. Certes, le protocole a été adopté, mais cela a provoqué la fronde de sept maires de l’ancienne CA2RS qui contestent le principe de ce protocole - « inéquitable » selon eux - et déplorent la méthode de passage en force. Le 19 novembre, Joël Mancel, maire de Triel, et porte-parole de cette fronde, a souligné la poursuite du « combat » au nom des habitants de l’ancienne CA2RS.

Le 19 novembre lors d’une conférence de presse, à Triel-sur-Seine, sept communes de l’ancienne communauté d’agglomération des 2 Rives ont dénoncé le manque d’écoute et se sont prononcées contre le pacte fiscal instauré par la communauté urbaine Grand Paris Seine & Oise. Hugues Ribault, J-F Trancart, Karine Kauffmann, Yannick Tasset, Joël Mancel, Pascal Collado, Michel Pons, respectivement maires d’Andrésy, Chapet, Médan, Orgeval, Triel-sur-Seine, Vernouillet et Villennes-sur-Seine, ont expliqué leur refus d’accepter le pacte fiscal (particulièrement, en ce qui concerne du volet protocole financier entre les 73 communes) au conseil communautaire du jeudi 17 novembre #GPSeO. In-équité entre citoyens, double peine, coquille vide ont été évoqués pour démontrer la fragilité de la position de GPS&O.

Après l’alerte, la tempête fiscale

Le Journal des 2 Rives avait déjà alerté la population sur les conséquences de ce vote, selon l’analyse de Denis Faist, adjoint au maire d’Andrésy : « Certaines communes seront donc sur-fiscalisées, notamment celles de l’ancienne communauté d’agglomération des 2 Rives. Je veux alerter les habitants au nom de l’équité territoriale. Il faut connaître les deux principes avancées par l’exécutif de la CU. D’abord, le premier principe consiste à maintenir des recettes fiscales issues de la fiscalité des ménages au 1er janvier 2015. La majorité de la CU refuse la mise en œuvre d’une convergence des taux moyens pondérés sur douze ans, mais elle veut concentrer la totalité de la fiscalité sur la taxe d’habitation au taux de 7,62 % dès la première année. C’est comme cela que le budget pourrait être équilibré, selon le débat du budget au conseil communautaire, le 14 avril dernier. En outre, le deuxième principe permet une certaine fixation de la pression fiscale des ménages au niveau du bloc communal. Ce principe qui ne repose sur aucune base juridique ni législative, est critiqué, voire contesté par un certain nombre de communes de la CU. En somme, ce principe vise à transférer, dans un sens ou dans l’autre, de la fiscalité de la CU vers de la fiscalité des communes afin, soit-disant, de garantir une neutralité fiscale du bloc communal aux contribuables de chacune de nos villes. »

En séance du conseil communautaire, le protocole a été finalement adopté grâce aux 22 votes d’abstention du groupe Démocratie et Solidarité (dont le chef de file, François Garay, membre de l’exécutif, a tenu des propos très critiques à l’égard de l’élaboration de ce protocole). Cinquante neuf se sont prononcés pour tandis que 45 ont voté contre. Parmi ces voix, les conseillers communautaires dont les maires de sept communes de l’ancienne CA2RS ont tout tenté pour négocier un « pacte » équitable. Ils ont introduit un amendement pour une augmentation de la pression fiscale de 1,5 % en lieu et place de 3,5 %, taux adopté notamment dans les communes de l’ancienne CA2RS.

Les maires frondeurs ont estimé que les habitants de l’ancienne CA2RS seront « « pénalisés à vie » » par une stratégie politique fiscale portée par Philippe Tautou, président de GPS&O. Les habitants de l’ex-CA2RS seront « sur-fiscalisés » ad vitam aeternam. Le temps de la tempête est arrivé. Paradoxalement, M. Tautou était l’ancien président de la CA2RS et avait été porté à la présidence de la CA2RS, en 2014, par ces mêmes sept maires frondeurs. En 2016, ils le regrettent d’une manière amère, à l’instar de M. Mancel : « C’est un mépris total pour nous, les sept maires de l’ex-CA2RS, de la part d’un président [Ph. Tautou] avec qui nous avons travaillé pendant dix ans au moins pour six [communes] d’entre elles, et à qui nous avons apporté notre soutien en janvier dernier. »

Piégés comme des pigeons

La détermination de ces maires frondeurs est visible car ils vont le faire savoir et agir à la fois sur le terrain de la règle administrative et sur celui de la politique. Ils vont faire passer le protocole contesté au peigne fin du contrôle de la légalité. La préfecture devrait donner également son avis. Les maires frondeurs pourraient menacer de quitter le groupe politique majoritaire avec les conséquences prévisibles sur la suite de la gouvernance de la communauté urbaine. « Nous sommes déterminés, a conclu Pascal Collado, car ce protocole va plomber certaines de nos communes sur le plan financier ! » On a évoqué le cas de Médan (perte de 80 000 euros dès 2016 ; 600 000 euros par an pour Andrésy, Triel... Cette instabilité de gouvernance va entraîner un choix difficile entre une augmentation des impôts et une réduction des services aux habitants. Les marges de manœuvre se rétrécissent de plus en plus pour les maires.

Par cette démonstration de force, les maires frondeurs ont ouvert le débat sur les voies et moyens de cette intercommunalité (atypique et unique en France). Depuis les premiers débats sur sa création en 2015, on constate des désaccords de fond, qui se manifestent jusque dans la majorité sur « les attributions de compensation » et la cagnotte à verser au pot commun de la communauté urbaine. Cela pourrait permettre une saine discussion collective et réduire l’opacité qui caractérise jusqu’aujourd’hui la construction de GPS&O. Il est temps que les administrés soient (bien) défendus par les maires, qu’ils soient frondeurs ou non. Hugues Ribault l’a bien précisé : il s’agit de « se battre pour les contribuables de l’ancienne CA2RS » qui ont été piégés comme des pigeons par les experts et les technocrates lors de la construction de cette méga-intercommunalité, engageant pourtant tous les administrés des 73 communes de la communauté urbaine. Ce dossier reste explosif car il peut avoir des conséquences juridiques et politiques inattendues (1).

Post-scriptum

Notes

1. Pascal Collado n’a pas exclu la possibilité de porter cette affaire sur le terrain contentieux au tribunal administratif car, selon les maires frondeurs, le protocole financier ne repose pas sur une base juridique solide et est entâché de vices de forme, notamment par rapport aux conclusions de la commission locale d’évaluation des charges transférées (CLECT).