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Par : Castor
Publié : 21 juillet 2017

Réforme territoriale

La fusion 78/92 refusée par le Gouvernement après l’opposition d’habitants et des nouveaux députés des Yvelines

En marge de la première Conférence nationale des territoires, une première réponse a été apportée au projet de fusion des départements des Yvelines et des Hauts-de-Seine ; celui-ci, initié par les présidents des deux conseils départementaux, venait de faire l’objet d’un vote favorable des deux assemblées départementales. Cet article résume la succession des faits et propose un décryptage, dans la perspective de l’évolution du Grand Paris, en analysant les positions des présidents des divers territoires franciliens, départements, région, métropole.

La Conférence nationale des territoires, qui s’est tenue le 17 juillet dernier au Sénat, s’est principalement centrée sur les finances et la fiscalité locales. En effet, il avait été annoncé que cette conférence n’aborderait pas l’épineux dossier de la fusion des départements dans le périmètre des métropoles, notamment le cas du Grand Paris.

Grand Paris Seine & Oise resterait en dehors du Grand Paris !

La communauté urbaine GPS&O, dont le nom est une déclinaison de celui de la Métropole du Grand Paris (MGP), n’en fait pas partie. Il aurait fallu que le département des Yvelines entre dans cette métropole ou que celui des Hauts-de-Seine en sorte pour que la fusion puisse se faire. MGP, créée en janvier 2016, regroupe 131 communes : Paris, les 123 communes des départements de la petite couronne, une commune du Val-d’Oise (Argenteuil) et six de l’Essonne, rassemblées en 12 territoires remplaçant les agglomérations qui existaient précédemment. Toutefois, des questions se posent sur cet échelon territorial, instauré par la loi du 3 juin 2010, appliquant l’idée que les grandes métropoles sont désormais les moteurs de l’économie de marché mondialisée. Son article 1 commence ainsi : « Le Grand Paris est un projet urbain, social et économique d’intérêt national qui unit les grands territoires stratégiques de la région d’Île-de-France, au premier rang desquels Paris et le cœur de l’agglomération parisienne, et promeut le développement économique durable, solidaire et créateur d’emplois de la région capitale. Il vise à réduire les déséquilibres sociaux, territoriaux et fiscaux au bénéfice de l’ensemble du territoire national. Les collectivités territoriales et les citoyens sont associés à l’élaboration et à la réalisation de ce projet.  ». Lors de la création de la métropole, ses ressources fiscales ont été limitées par les parlementaires, de sorte que son président, Patrick Ollier, a été conduit, fin juin, à lancer une alerte sur le risque de « cessation d’activité » que court cette récente institution.

Premières étapes du rapprochement, à l’ouest de Paris

Deux amis de longue date, Patrick Devedjian et Pierre Bédier, ont décidé de regrouper les deux départements, qu’ils président. L’un des arguments du premier concerne, particulièrement, la Communauté urbaine Grand Paris Seine & Oise : son département des Hauts-de-Seine a besoin de place pour se développer et son horizon s’étend naturellement sur la vallée de la Seine, en direction de Rouen et du Havre, qui lui ouvrent le monde des échanges internationaux. Pour le deuxième, Pierre Bédier, qui a fixé l’étendue de notre communauté urbaine en fonction d’objectifs de développement économique, l’intérêt serait, principalement, d’arrimer le département des Yvelines au « cœur battant économique de la région  » qu’est le quartier d’affaires de la Défense. Néanmoins, tous deux affirment que les deux collectivités, en regroupant leurs services, pourraient faire davantage pour les habitants en dépensant moins.

Ce processus a été engagé dès 2015, afin de montrer les avantages de la fusion demandée :
- regroupement des services d’archéologie préventive, de voirie, des sociétés d’économie mixte départementales d’aménagement ;
- achat en commun, de véhicules, qui aurait ­permis d’économiser 1,8 million d’euros ;
- études communes sur le schéma régional du tourisme et le développement durable.

Le 5 février 2016, a été créé l’établissement public interdépartemental Yvelines / Hauts-de-Seine, dont les objectifs sont « d’identifier et de mettre en œuvre des actions de coopération permettant de réaliser des économies et/ou de développer de nouveaux services sans engendrer de coût supplémentaire ». Le rapprochement des services départementaux concerne déjà l’archéologie préventive, l’entretien et l’exploitation du réseau routier ainsi que la création d’un établissement d’accueil des personnes en situation de handicap psychique.

Les présidents des deux départements, qui ont fait voter, le 30 juin dernier, la même résolution par chacune de leurs assemblées, se sont félicités d’avoir franchi une étape décisive : «  73 conseillers départementaux des Yvelines et des Hauts-de-Seine sur 88 ont, conformément à la loi, demandé au gouvernement de prononcer la fusion de leurs deux départements. La balle est désormais dans le camp de l’exécutif. S’il sait s’en saisir, bientôt nos deux collectivités n’en formeront plus qu’une. Et elles auront décidé leur fusion comme un destin choisi, non comme une réforme imposée d’en haut. ».

Un projet de fusion qui ne fait pas l’unanimité

En dehors de cette large majorité de conseillers départementaux Les Républicains, élus en mars 2015, de nombreuses voix se sont élevées contre ce projet. Au sein même du Conseil départemental des Yvelines, la position d’Yves Vandewalle, président du parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse, a particulièrement été remarquée : « C’est à l’aveugle, sans aucune étude d’impact (par exemple sur la fiscalité) et sans l’avis des élus et des Yvelinois, que les deux présidents vont faire voter la fusion. Alors qu’un long débat approfondi devait avoir lieu à l’automne, Pierre Bédier argue désormais de l’élection du nouveau président de la République pour précipiter le calendrier. [...] En fait, la création des intercommunalités doit nous faire réfléchir : elle a créé de la complexité et des impôts supplémentaires alors qu’elle devait simplifier et permettre de faire des économies !!! La Cour des Comptes le rappelle régulièrement. Le président Bédier considère que le département des Yvelines n’a plus les moyens de ses ambitions et qu’il faut donc se marier avec les Hauts de Seine. Je considère que c’est une vision pessimiste et défaitiste que je ne partage pas. Les Yvelines sont encore l’un des départements les plus riches de France : si nous n’avons plus les moyens de nos ambitions alors que dire des autres départements ? [...] Quant à simplifier le millefeuille administratif territorial, la fusion ne simplifie rien. Elle ne fait que déplacer le centre de décision et l’éloigne des citoyens sans supprimer d’échelon.  »

La veille du vote des deux conseils départementaux, les nouveaux députés LREM-Modem des Yvelines ont demandé une concertation sur la fusion des deux départements : «  Nous [...] exprimons des réserves sérieuses quant au projet de fusion des départements des Hauts de Seine et des Yvelines, et ce pour plusieurs raisons :
- les habitants, les élus locaux et les députés nouvellement élus n’ont pas été consultés sur ce sujet ni associés à cette réflexion
- si cette fusion a pour objectif premier de mutualiser les moyens et services, cela peut être réalisé sous forme coopérative [...]
- le vote sur ce projet doit faire l’objet d’un décret gouvernemental pour entrer en application. Il ne relève pas de la compétence des présidents des
départements d’acter cette fusion.
 »

Décodage de la première réponse du Gouvernement

Un autre élu local a réagi après l’annonce que la fusion était « retoquée ». Eddie Aït (PRG), président du Groupe Radical, Citoyen, Démocrate, Ecologiste et Centriste au Conseil régional d’Île-de-France, conseiller municipal et ancien maire de Carrières-sous-Poissy, « s’est félicité  » du refus du Gouvernement : « La décision prise par le Gouvernement est frappée au coin du bon sens. Comment imaginer qu’une fusion de deux départements de cette taille puisse répondre aux attentes de proximité qu’expriment fortement les habitants ? En vérité, ce projet de fusion était destiné à servir les intérêts de quelques-uns au détriment de l’intérêt des Yvelinois, des Altoséquanais et, plus largement, des Franciliens. Le Gouvernement a eu raison de mettre fin à cette supercherie. S’il y a évidemment des ajustements à faire sur l’organisation territoriale francilienne, notamment dans le cadre de la métropole du Grand Paris, je crois qu’ils doivent se faire dans la concertation, tel que cela a été annoncé lors de la Conférence Nationale des Territoires. »

Le Premier ministre avait, dans son discours de politique générale, déclaré s’opposer aux « fusions contraires à l’intérêt général  ». C’est l’un des qualificatifs donnés à ce projet par un expert du Gouvernement, cité par le journal Les Echos, le 17 juillet, pour justifier son rejet par le ministère de l’Intérieur. Que veut signifier le terme « trop défensif », qu’il a également utilisé ?

L’explication se trouve dans un autre projet de fusion auquel Patrick Devedjian (LR), président du Conseil départemental des Hauts-de-Seine, s’oppose : le regroupement des trois départements de la petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne) et de la Métropole du Grand Paris. La maire de Paris, Anne Hidalgo (PS), qui le refuse également, propose, à la place, de fusionner la commune et le département de Paris ; le président altoséquanais aurait imaginé la parade du regroupement de son département avec celui des Yvelines. Il semble vouloir, par tous les moyens, imposer cette fusion : « Si on nous la refuse, j’irai sur le terrain du contentieux. C’est une décision qui sera difficile à expliquer. Il ne suffit pas de dire que c’est contre l’intérêt général, encore faut-il le prouver ».

Vers la cohésion et la cohérence des territoires franciliens

Quelle sera la suite ? Alors que l’Etat est maintenant dirigé, avec le soutien d’une forte majorité des députés, par La République en marche, les collectivités territoriales sont encore pilotées par les deux anciens partis de gouvernement. C’est le cas de la Région Ile-de-France, présidée par Valérie Pécresse (LR). Pierre Bédier et Patrick Devedjian considèrent, avec leurs homologues de l’Essonne, du Val-d’Oise et de la Seine-et-Marne, que la « bonne échelle  » n’est pas celle de la métropole qui exclut les habitants de la grande couronne mais bien celle d’une région capitale. C’est, évidemment, la position de la présidente de la région, qui a souvent dénoncé le «  mille-feuilles administratif ». Les élus LR, à la tête des territoires franciliens de l’ouest, voudraient faire contrepoids à la montée en puissance du Grand Paris qui serait, pour eux, un retour de l’Etat aménageur.

Cinq présidents de conseils départementaux ont fait leur demande d’un statut particulier pour l’Île-de-France, le lendemain de la Conférence nationale des territoires ; à l’occasion de celle-ci, Emmanuel Macron a annoncé une Conférence territoriale du Grand Paris qui se tiendra à l’automne prochain « pour simplifier drastiquement les structures  ».

Au delà de cette concertation des élus des différents niveaux, il serait opportun que le ministère de la Cohésion des territoires se saississe de la question de leur cohérence ; il semblerait, particulièrement, judicieux d’harmoniser les circonscriptions et les cantons, qui se chevauchent après plusieurs "charcutages électoraux" du passé, en les rendant homogènes avec les intercommunalités.

La simplification souhaitée concernera-t-elle, également, ces territoires communautaires, éventuellement en remettant en cause leur périmètre, notamment celui de la Communauté urbaine Grand Paris Seine & Oise, qui s’est révélée difficilement gérable ? Une telle évolution irait dans le sens souhaité par Natalia Pouzyreff, députée de la sixième circonscription des Yvelines, dans la conclusion de son compte rendu de la Conférence nationale des territoires : « Je considère que les élus locaux représentent un lien essentiel avec la population. Je resterai donc attentive à ce que les capacités d’action et d’autonomie des maires soient préservées voire renforcées. »