Le 18 mars 2019, Philippe Tautou nous avait accordé un rendez-vous afin de mieux nous faire comprendre les arguments de son action politique au sein de la Communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise. Nous reproduisons l’interview ci-dessous.
C’est toujours une expérience de rencontrer le président Philippe Tautou : dans le passé, la rédaction du J2R a, maintes fois, questionné, interrogé et, parfois, contredit ses options et ses actions successives, dès sa création de la Communauté urbaine Grand Paris Seine & Oise. Pour lui, la taille et la spécificité de cette intercommunalité, unique dans son genre, font que sa construction a été difficile mais nécessaire. C’est ainsi que M. Tautou l’a dit et a répété : « Je demande plus d’indulgence et du temps » pour prouver que ses choix étaient raisonnables. Il a simplifié son message : “Avec le temps on résoudra les deux problèmes principaux qui sont liés aux finances et aux problèmes de gouvernance !” En outre, il a exhorté les 73 maires à être plus solidaires.
Erreurs commises, mais un apprentissage rapide
Certes, M. Tautou a forcé les traits historiques de GPS&O : « On devait fusionner avec Poissy, Achères et Conflans, » a‑t-il argumenté, mais « le préfet de l’époque était intervenu pour nous forcer à élargir à un ensemble de plus de 400 000 habitants ». C’est toujours une habitude de refaire le match, voire l’histoire de cette genèse qui avait fait débat et continue à ne pas être compris par la majorité des habitants. Cet ensemble se caractérise par un polycentrisme et par la recherche d’un équilibre entre le développement économique et la préservation de ses atouts écologiques et naturels.
Des erreurs ont peut-être été commises mais, selon Philippe Tautou, « l’on a appris sur le tas ! » Le personnel, dirigé par la CA2RS, présidée à l’époque par M. Tautou, était de 20 personnes ; il comprend, aujourd’hui, 1110 personnes dans GPS&O. Les ressources humaines, l’administratif, l’apprentissage du territoire, pour certains cadres, ont pris un temps considérable et ont nécessité un travail titanesque. On a dégagé une politique générale avec un son lot de déceptions et de déçus. Ce fait politique a conduit à une gestion presque à vue : « La majorité de l’exécutif fluctuait beaucoup et la pression a été très forte ! »
Des paris et un équilibre à trouver
Le pari n’est pas évident car la richesse de l’intercommunalité se trouve concentrée entre le triangle Poissy-Achères-Les Mureaux avec ses industries et une diversification dans les secteurs secondaires et tertiaires. En outre, les sacro-saintes dotations-subventions de l’État (DGF) ont été minorées et, en même temps, l’intercommunalité GPS&O a dû faire face à la fermeture de la centrale de Porcheville qui a conduit à débourser 7 millions d’euros, chargeant encore « le paquebot GPS&O ». Tenace ou inconscient, le président Tautou a répété sa conviction : « On crée actuellement de la richesse et cela peut prendre du temps. Parfois, on peut douter du choix cornélien entre cadre de vie et valorisation du territoire ».
Cependant, il est utile de s’interroger sur la base fiscale de GPS&O : quelles seront les perspectives si les DGF continuent à baisser ? Sa réponse est nette : « C’est à nous [73 maires et 404 000 habitants], et entre nous, de trouver des solutions à notre échelle ! » Ceci devrait se traduire par plus d’impôts locaux. Nous sommes dans le même « paquebot et nos sorts sont liés »(1). Quant au litige entre les sept communes(2) de l’ancienne Communauté d’agglomération 2 Rives de Seine et GPS&O, sur le pacte fiscal, le dossier avance et le tribunal va statuer : pour ou contre le point de vue de GPS&O. De toute façon, le tribunal administratif réglera le conflit et Philippe Tautou n’est pas disposé à faire appel si GPS&O perd. « Il faut passer à autre chose » et surtout arrondir les angles avant d’entrer dans la période électorale de 2020.
Plus de solidarité et recherche d’un consensus
Philosophiquement, le président de GPS&O est toujours en désaccord avec la position des sept maires car il est pour une solidarité (financière) entre communes rurales et les autres. De plus, certaines communes des anciennes intercommunalités comme PAC et Seine&Vexin n’ont pas joué collectif ; le résultat a été un bazar dans l’évaluation des apports et des gains de l’ensemble des 73 communes. Justement, dans l’avenir, il faudra « revoir le fonctionnement du CLECT(3) ». Un marchandage entre juristes et experts est à prévoir. Selon le président Tautou, « la CU a besoin de cet argent pour prendre ses responsabilités » ; en outre, une dévolution des compétences est à envisager car plus de proximité signifie que les communes prendraient un rôle accru. Il est indéniable que le législateur devrait modifier les lois NOTRe et MAPTAM, qui sont à l’origine de ce chamboule-tout territorial dans les Yvelines.
En somme, le premier bilan est mitigé : « Le travail accompli, a souligné M. Tautou, a permis à la communauté urbaine GPS&O de se développer… » S’affirmer est déjà un pas important. Quel est le conseil qu’il donne au prochain président, suite aux élections de 2020 ? M. Tautou a répondu par une phrase classique “Il faut être à l’écoute de ce qu’expriment les 73 maires”. Arriver à un consensus devrait être un des objectifs de la prochaine mandature. Dans un processus de clarification de responsabilités, le maire continuera à être le premier maillon (faible ?) de l’intercommunalité GPS&O. Le futur ancien président Tautou a conclu notre rendez-vous avec un message personnel : “J’ai été heureux d’avoir agi comme maire, conseiller général, président de la CA2RS et président de GPS&O. Le temps m’est venu de partir. Le monde évolue énormément et je ne me trouve plus en phase avec ce qui se passe actuellement…”.
Notes
1. En fonction du résultat du contentieux administratif entre la commune d’Issou et la communauté urbaine, le périmètre de celle-ci pourrait être modifié, si la commune d’Issou gagne son procès.
2. Andrésy, Chapet, Orgeval, Médan, Triel-sur-Seine, Vernouillet, et Villennes-sur-Seine. Il était clair, pour Philippe Tautou, que l’augmentation de la pression fiscale avait comme finalité le financement des projets indispensables pour la CA2RS : achat du siège, projet cœur vert…
3. Commission locale d’évaluation des charges transférées.
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