Le chantier titanesque qui vise à restructurer et aménager l’Île-de-France célèbre une génération et des projets ralentis par la crise du Covid-19. L’afflux des propositions au sommet dédié à l’événement recouvre des ambitions multiples.
Le Grand Paris est un projet né en 2007, à l’instigation du président de la République de l’époque, Nicolas Sarkozy, afin de transformer la petite et la moyenne couronnes en une grande métropole. Plusieurs lignes de transport desserviront le pourtour francilien : le Grand Paris Express comprendra 200 km de voies ferrées, à la croisée des chemins des futures lignes de transport 15,16,17 et 18. Grâce à cette « révolution du quart d’heure », l’Île-de-France deviendra une région attractive dont les activités ne seront plus concentriques. Outre les appels à projets des entreprises partenaires, deux entités pilotent la réalisation des travaux. La Société du Grand Paris (SGP) chapeaute le Grand Paris Express. La Métropole du Grand Paris (MGP) est l’outil de gouvernance métropolitain. Lors de la cérémonie célébrant les dix ans du projet, le 29 septembre, l’ex-président Nicolas Sarkozy s’est déplacé, saluant l’innovation dans un discours à l’américaine.
Une dépense d’envergure
« Le grand Paris est contraire à l’actualité, c’est une vision. En pleine crise des subprimes en 2008, c’était le moment de saisir l’opportunité de sortie de crise ». Le ton est donné : il n’y a pas de pays qui construise son avenir sans grandes ambitions. Haranguant la foule, Nicolas Sarkozy a livré ses premières réflexions sur le Grand Paris lors de ses déplacements dans les mégapoles. « Shanghai, Doha, se transformaient mais la plus belle ville du monde, Paris était laissée intacte. Il n’y avait alors plus de véritable chantier structurant ». D’un geste balayant l’assemblée, Nicolas Sarkozy a élargi le sujet : « Pourquoi ne ferait-on pas de Marseille une capitale culturelle de la Méditerranée ? Le Grand Lille ? Le Grand Lyon ? » Il rappela que, lors de son mandat présidentiel, il avait remédié à l’isolement des lignes ferroviaires de la ville de Strasbourg.
La création de leviers de croissance résorbera la dette engendrée. À condition d’investir massivement, rapidement, avant que les taux d’intérêts ne s’ajoutent à la dette causée, a‑t-il plaidé. Son budget ayant été réévalué à la hausse, le Grand Paris a une facture qui s’élève à trente-cinq milliards d’euros. En 2013, le budget prévisionnel du chantier était estimé à vingt-cinq milliards d’euros. Toutefois, le prix, justifié par l’essor escompté, n’a pas d’incidence sur la renommée du projet. « Le Grand Paris n’est pas une dépense d’État, c’est une recette », a conclu l’ancien président de la République. Le secteur des travaux publics permettra de créer de 15 000 à 20 000 emplois par an. Les prévisions de la Chambre d’Industrie et de Commerce tablent sur des recettes publiques de soixante milliards d’euros à l’horizon 2030.
Le Grand Paris, une algorithmie complexe au temps décompté
Jérôme Fourquet, le directeur du département « opinions et stratégies » de l’IFOP a publié en 2019 l’ouvrage L’Archipel Français, qui relate les déséquilibres d’accès au logement. En outre, le phénomène du séparatisme sévit en Île-de-France. « Les quartiers à la dérive sous tension par le trafic de drogue doivent être une priorité, auquel cas les classes moyennes ne s’y installeront pas », résume-t-il. Les péages sont une problématique à saisir en ayant le souci d’éviter une recrudescence du mouvement des Gilets jaunes. La région Île-de-France est celle dont les disparités sociales nécessitent une réponse politique ajustée sur mesure. Le président de la MGP, Patrick Ollier, se veut confiant ; sept projets structurants à l’est et au nord de la grande couronne sont désignés dans une démarche d’accompagnement prioritaire. Une enveloppe de vingt-cinq millions euros y est spécifiquement allouée. Le préfet d’Île-de-France, Marc Guillaume, a évoqué les 272 quartiers prioritaires, un secours aux jeunes éloignés de l’environnement scolaire et professionnel.
Au total, cent-trente et une communes sont parties prenantes au programme du Grand Paris. Le temps presse, il est nécessaire « d’accélérer la multitude de procédures ; un tel système complique l’apparition d’un projet dans un contexte d’urgence économique ». La reprise partielle du temps de travail, suite aux restrictions sanitaires, et les réhabilitations des zones ont-elles eu un impact, la perte d’activité des chantiers s’évalue à 33 %. S’y ajoutant, l’obtention des permis de construire prolonge le délai d’exécution. Le Grand Paris a déjà, avant sa construction, un train de retard. « Le Grand-Paris est un saut de haie, un marathon jusqu’à ce que l’on ait fini », a souligné Thierry Dallard, président du directoire de SGP. Le pic d’activité se rapproche ostensiblement : en 2024, la capitale sera le lieu d’accueil des Jeux Olympiques. « Avant 2026, la moitié des gares devront exister », a‑t-il précisé.
La politique du logement au cœur des territoires
« Il y a beaucoup de besoin dans le pays, le prix du foncier neuf a triplé en l’espace de vingt-ans », a indiqué Alexandra Kucak. La crise de l’offre a généré un choc de la demande. Les rénovations de bâtiments délabrés et passoires thermiques seront élaborées en tandem avec les copropriétés. L’objectif de 70 000 nouveaux logements bâtis chaque année permettra de parachever la jonction entre le domicile et le lieu de travail en province. L’objectif est de « redonner envie aux urbains d’habiter en province ». Les villes moyennes subissent une dévaluation progressive, le prix du m² s’y affaisse à mesure du temps. La cadence de construction sans l’urbanisation extrême s’effectue par le choix des matériaux ciblés, offrant une longévité à l’habitat. La végétalisation des espaces en pied d’immeuble et l’idée d’une ville verticale, dotée de cours partagées, sont des thématiques débattues dans le département de la Seine-Saint-Denis. Une infrastructure du stade Arena de Porte-de-la-Chapelle, qui sera pourvu de 8 000 places afin d’accueillir des compétitions sportives de taille, redynamisera cette zone à l’extrémité nord. Le développement stratégique s’articule également autour de sept pôles : le plateau de Saclay, Villejuif-Evry, la Défense, Saint-Denis-Pleyel, Roissy-Charles-de-Gaulle, Le Bourget, Descartes-Marne-la-Vallée.
Une Grande Transition écologique ?
Les élections municipales de 2020 ont été au tournant de l’ambition écologique, les maires de communes élus ou réélus ont un programme crucial à appliquer. Les communes pour lesquelles la politique environnementale représente un enjeu seront accompagnées dans leur transition. « Les économies ne doivent, en aucun cas, freiner l’écologie », rappellent les élus ; la conduite des projets doit se tenir avec le consensus de chaque habitant des communes. Pour rappel, la neutralité carbone sera atteinte sous la condition de diviser par six les gaz à effet de serre (GES) en 2050 et 30 % d’ici à 2030. Si les mesures ne sont pas assez significatives en la matière, le réchauffement climatique sera de 3°C. « Lorsqu’il y a une volonté, il y a un changement. C’est une affaire de communes, du secteur associatif et de l’État », a souligné le préfet Daniel Guiraud, vice-président du Grand Paris. Plusieurs pistes sont à l’ébauche afin de substituer de nouvelles sources d’alimentation aux énergies fossiles. L’acheminement d’un chauffage puisé par géothermie est un procédé en cours de test dans les quartiers des Lilas et du Pré-Saint-Gervais (93).
Une conciliation, récemment signée, rétribuera des crédits d’aide à la rénovation thermique aux collectivités territoriales. Sur des toitures couvrant onze millions de m², qui ont été recensées, des panneaux photovoltaïques pourraient être installés. Selon Jean-Philippe Dugoin, maire de Mennecy, les transports publics subissent une lenteur indue des procédures : « Le renouvellement d’une rame de transport est de cinq ans en moyenne. Ce délai est en déphasage total avec les attentes des citoyens et leurs contraintes ». Le préfet d’Île-de-France, Marc Guillaume, a approuvé l’urgence écologique mais il a fait valoir les Jeux Olympiques prévus dans la capitale. Le village athlétique a été conçu pour permettre la réutilisation de ses infrastructures dans le long terme. Ce chevauchement de projets et la pandémie actuelle ralentissent les chantiers ; pour certains, ils débuteront en 2021.
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