Plusieurs milliers de Franciliens se sont rejoints, en hommage à l’enseignant Samuel Paty. Une minute de silence a eu lieu face au Collège du Bois d’Aulne, en présence des élus.
« Ça me fait bizarre de me dire qu’on lui a parlé, puis qu’on revient au collège et il est mort », nous a soufflé Lou, une ancienne élève actuellement en classe de troisième.
Le soir du 20 octobre, des habitants des communes alentours, Andrésy, Herblay, Montigny et Conflans-Sainte-Honorine ont rendu un hommage citoyen au professeur Samuel Paty, décapité à la sortie du Collège du Bois d’Aulne.
L’incompréhension, la sidération, le choc et la peur sont autant de qualificatifs que les marcheurs ont évoqués, le visage tordu par l’émotion, malgré les masques. Un ciel grisâtre et une bruine accompagnaient cette journée morose, durant laquelle un symbole républicain, l’éducation a été touchée. « Je ne pensais pas qu’être professeur d’histoire-géographie était un métier à risque à ce point-là, maintenant si. J’ai peur pour l’avenir qu’on laisse à nos enfants », a déclaré Olivier, père de famille. Il a, ensuite, entonné l’hymne national d’une voix puissante, en chœur avec les marcheurs, les mains posées sur les épaules de ses enfants. Le défilé a démarré près du Collège du Bois d’Aulne au croisement de la Rue du chemin vert et de la Rue de la justice. Des jeunes collégiens, des lycéens, des familles, des enfants en poussette et des grands-parents composaient cette foule disparate et unie dans la mémoire. Des familles musulmanes, portant une pancarte véhiculant un message solidaire de l’association Amahdiya, sont venues témoigner de leur soutien.
L’association Amahdiya était présente pour témoigner son soutien. (J2R)
Hébétée, Céline tenait une bougie rouge qu’elle rallumait dès que la flamme vacillait. La mère de famille réside à quelques mètres du lieu où l’enseignant a perdu la vie. Cet acte barbare ébranle les Conflanais, tant il est inhabituel et impropre au calme qui règne dans cette commune francilienne. « En banlieue, on ne se sentait pas forcément concernés par ce genre de risque. Il faut que l’on ait des solutions adaptées pour protéger nos familles, il faut que l’état réagisse », a fustigé Céline.
La foule compacte a observé plusieurs minutes de silence face au collège, attenant au Stade Claude Fichot. Pour cette soirée de recueillement, la présidente de la Région Île-de-France, Valérie Pécresse s’était déplacée, ainsi que son prédécesseur à la région et ancien maire de Conflans, Jean-Paul Huchon. Les écharpes tricolores des édiles se sont révélées dans la symbolique de l’instant.
Samuel Paty, 47 ans, assassiné devant son collège à Conflans-Sainte-Honorine
Samuel Paty était un enseignant dont la méthode pédagogique est saluée par ses anciens élèves et les parents d’élèves. Héloise, étudiante en faculté, était scolarisée en 2015 dans l’établissement ainsi que sa sœur aînée, suivie par l’enseignant deux années consécutives. « Elle a été d’autant plus touchée par son assassinat qu’elle l’appréciait beaucoup ; il lui fournissait des contenus audio et écrits. Quelques fois, il lui prêtait des livres ; son métier allait au-delà même de l’établissement », a‑t-elle précisé. D’anciens élèves scolarisés au Collège du Bois d’Aulne s’étaient donné rendez-vous quelques jours auparavant, pour échanger des anecdotes ou, simplement, pour s’épancher et partager les ressentis sur la violence de cet événement.
L’injustice, émotion diffuse, laissait place aux larmes ; des parents accablés sanglotaient en évoluant dans la marche. Karine et sa fille, encadrant une pancarte, avaient croisé à de multiples reprises le défunt dans les couloirs de l’établissement. « Aux premiers abords, c’était quelqu’un de très souriant, très attentionné. L’État ne protège pas assez ceux qui travaillent à son service. »
Ce sentiment est partagé par Hayat, enseignante en primaire à Montigny, qui a confié subir une pression hiérarchique, s’ajoutant à celle des parent d’élèves.
Une marche blanche qui marquera les esprits pendant des années. (J2R)
« J’essaie toujours d’enseigner avec conviction mais cela devient difficile lorsque l’on nous demande des tas de choses contraires à ce que l’on pense et ce que l’on veut. Pour la liberté d’expression justement, on nous demande de l’enseigner ; paradoxalement, nous sommes nous-mêmes muselés par nos supérieurs. » Institutrice depuis vingt-ans, elle reçoit des questionnaires relatifs au renouvellement des programmes scolaires ; ses avis personnels ne sont jamais pris en compte. « La liberté de l’enseignant, elle est mise à mal depuis un certain temps », a relaté Hayat d’un ton las.
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