Le 6 mars 2021, l’Espace Maurice-Béjart a invité la dessinatrice Carole Maurel pour nous parler de sa nouvelle bande dessinée intitulée Nellie Bly. Cette journée est l’occasion pour Carole Maurel de venir à la rencontre de son public.
Qui est Nellie Bly, le personnage principal ?
La dessinatrice est venue à l’Espace Maurice-Béjart à Verneuil-sur-Seine pour présenter sa nouvelle bande dessinée retraçant un épisode de la vie de Nellie Bly. Elizabeth Jane Cochrane, son vrai nom, était une pionnière du journalisme d’investigation dans lequel elle s’illustra. D’abord, c’était une femme militante et féministe qui s’était affranchie de la domination masculine et subvenait seule à ses besoins. Nellie Bly enquêta sur l’hôpital psychiatrique de Blackwell à New York en se faisant passer pour une personne souffrant de folie. Elle y resta une dizaine de jours et découvrit une atmosphère pesante et glaciale où le sadisme et la misogynie dominaient. Elle raconta cette expérience dans un livre nommé 10 jours dans un asile puis elle dénonça les traitements faits par l’hôpital. Cette action a pu donner gain de cause à Nellie Bly car une enquête, qui a suivi, a conduit à la fermeture de l’asile.
Nellie Bly continua d’écrire des articles notamment pour les journaux Dispatch et New York World. Elle continua à prendre des risques pour ses enquêtes et réalisa d’autres livres, notamment Le tour du monde en 72 jours. Déterminée, Nellie Bly dénonça les conditions de vie et de travail des ouvriers ; elle était partie avec sa mère au Mexique pour écrire sur les Mexicains et leurs coutumes. Elle fut considérée et elle continue à l’être comme l’une des meilleures journalistes féminines d’Amérique.
La nouvelle bande dessinée de Carole Maurel
Carole Maurel est une dessinatrice française active dans l’animation et les bandes dessinées. Cette femme a publié d’autres bandes dessinées notamment Apocalypse selon Magda qui reçut le prix Artémisia Avenir en 2017, Luisa ici et là qui reçut le prix du meilleur album en langue étrangère lors du festival international de la bande dessinée à Alger en 2016 et Écumes qui reçut le prix Harvey du meilleur livre européen en 2019. Artiste engagée, elle souhaite à travers ses histoires parler de sujets qui lui tiennent à cœur avec sincérité comme le féminisme ou l’homosexualité.
Cette nouvelle bande dessinée est la première d’une collection sur des personnages oubliés souvent féministes. Ce personnage de Nellie Bly était inconnu pour la dessinatrice Carole Maurel lorsque sa scénariste lui proposa le projet. Carole Maurel confie que, lors de la découverte de cette femme, « elle est tombée amoureuse du personnage », notamment après la lecture de 10 jours dans un asile. Carole Maurel, conquise, nous explique son ressentiment face à ce vécu : « C’est une femme de courage car elle se met en danger. Il y a une détermination prenante dans son récit ». Pour cette dessinatrice, c’est un défi car elle ne dessina jamais de personnage aussi loin dans le temps et dans l’espace. Carole souhaite rester fidèle au propos de Nellie Bly et ainsi éviter des anachronismes. C’est dans cet état d’esprit qu’elle veut faire basculer les dessins dans un univers fantastique sans mettre à mal l’atmosphère et la véracité du récit. Carole Maurel explique qu’il y a « une perception de la réalité qui se voile au point de basculer dans la folie ». A travers cette histoire, Carole Maurel se montre être une dessinatrice engagée car elle souhaite dénoncer les conditions féminines de cette époque qui sont cachées derrière la folie, l’hystérie et la schizophrénie.
Carole Maurel nous explique comment elle travaille sur ces projets qui sont nombreux. Issue d’une formation dans l’animation, son choix de se tourner vers la bande dessinée a commencé dès 2016. En effet, la bande dessinée lui permet de créer ses personnages et d’installer son style personnel. Pour celle-cie, la dessinatrice a choisi de travailler en version papier. Elle nous explique que le papier permet d’aller à l’essentiel alors que le numérique est beaucoup plus dans les détails. Cependant, elle ne renonce pas au numérique et effectue un mélange de méthodes : le papier pour le dessin et les traits graphiques, le numérique pour ajouter les couleurs et les effets de lumières.
Un public conquit par l’artiste
Le public fut au rendez-vous de la rencontre, mais dans la limite de vingt personnes autorisées. Les lecteurs interrogés à propos de l’artiste confient « être touchés par le style de graphisme utilisé, par le charme des dessins comme de la dessinatrice ». Selon eux, elle permet d’explorer des sujets intéressants mais peu exploités dans la bande dessinée, surtout quand ce sont des sujets engagés. Ainsi parmi les les personnes rassemblées, Carole Maurel a eu le privilège de rencontrer le maire de Verneuil-sur-Seine, Fabien Aufrechter. Pendant notre reportage, le maire nous a informés que « cette journée doit permettre de valoriser la culture et les femmes. Une semaine est consacrée dans les rues de Verneuil-sur-Seine aux femmes, notamment aux femmes vivant dans la ville ». A propos de la parution de cette bande dessinée, M. Aufrechter souhaite « faire un écho sur les femmes vivant au XXe siècle dans des conditions assez compliquées ».
Interview de Carole Maurel
Journal des deux rives : Pourquoi avoir voulu présenter cette figure du féminisme ?
Carole Maurel : C’est un choix de l’éditeur et du scénariste Aurélien Ducoudray de vouloir représenter cette femme dans une bande dessinée.
J2R : Quelle est la particularité de cette bande dessinée ?
C.M. : L’histoire vécue par cette jeune femme, seulement âgé de 23 ans, est touchante et extra-ordinaire. Elle s’engage dans un asile psychiatrique dans le seul but de dénoncer les conditions faites aux femmes. Le fait de traiter ce sujet dans la bande dessinée est novateur, notamment car c’est un sujet féministe.
J2R : Quels sont vos thèmes de dessin et pourquoi ces thèmes précisément ?
C.M. : Je souhaite me démarquer d’un style narratif et sortir du biotype. Je veux parler de personnages qui sont oubliés et ce sont souvent des femmes. L’univers féministe et homosexuel sont des univers qui me touchent et j’essaye de les traiter avec la plus grande sincérité. Même s’il y a une approche fantastique, je conserve la sincérité des propos.
J2R : Où puisez-vous ces idées ? D’où vient l’inspiration ?
C.M. : Je puise dans des références, notamment chez des pionniers et des pionnières. Le regard est différent voir inédit chez certains.
J2R : Savez-vous comment vos dessins résonnent-ils chez vos lecteurs ?
C.M. : Bonne question, je ne sais pas vraiment. Je pense que le sujet est intéressant, engagé et est sincère. Les lecteurs s’accrochent plus aux personnages qu’aux décors. Puis, le style rend peut-être la lecture plus accessible.
J2R : Travaillez-vous sur d’autres projets ? Si oui lesquels ?
C.M. : Pour l’édition Albert Michel, une histoire qui se déroule dans les années 40 où une maîtresse d’école cache des enfants juifs avant l’arrivé des nazis, et pour l’édition Payot, une histoire sur l’homosexualité.
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