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Publié : 5 juin 2021

Histoire

La dernière traversée, fluviale, de notre territoire par l’empereur Napoléon Ier

Nous sommes en retard pour commémorer le bicentenaire de la mort de Napoléon Bonaparte ; par contre, ne sachant pas où et dans quel état nous serons dans dix-neuf ans, nous prenons de l’avance pour relater le retour de ses « cendres », transportées cérémonieusement par la Seine.

Après un résumé de l’origine et de la première partie de l’expédition, nous la suivrons pendant les journées du samedi 12 décembre 1840 et du lendemain, entre Mantes et Maisons, grâce au récit de personnes qui y ont participé. Nous connaissons plusieurs habitants de nos rives de la Seine dont le fort souvenir de Napoléon les a, certainement, fait assister au passage de la flottille. Victoires et défaites ! Pour ou contre l’empereur Napoléon ? Déjà, lors du retour de son exil en captivité à Sainte-Hélène, les opinions étaient diverses sur les deux rives de la Seine dans notre territoire, comme le montrent deux témoignages qui auraient pu être recueillis par un ancêtre du J2R, que nous nommons La Gazette séquanienne.

Les précédents passages de Napoléon sur nos rives de la Seine

Les visites, par l’empereur, de villes de notre partie de l’ancien Département de la Seine & Oise, n’ont pas été assez nombreuses pour donner la matière d’un article. Certes, il était souvent venu chasser dans les bois de l’Hautil avec son ami Louis Lepic, qui résidait à Maurecourt depuis 1808, avant de se retirer dans la propriété de sa belle-famille à Andrésy(1).

Narcisse Noël a relaté, avec de nombreux détails issus des archives municipales de Poissy(2), la visite que Napoléon avait faite, le 2 juin 1810, peu après son mariage avec Marie-Louise, aux Pisciens (leurs descendants sont nommés les Pisciacais). C’était au retour d’une tournée en Normandie. Il était passé sur le pont de la Seine, sous un arc de triomphe qui avait été construit en son milieu. Napoléon y fit arrêter sa voiture et le maire y prononça un discours d’accueil. Dans la grande rue, ornée de drapeaux, de guirlandes et de fleurs, la population, formant une haie, acclamait le cortège impérial ; celui-ci continua son trajet vers Paris par Saint-Germain-en-Laye.

Un peu plus de trente ans plus tard, le 9 novembre 1840, le préfet informa le maire de Poissy que les restes mortels de Napoléon passeront dans sa ville à la mi-décembre. Toutefois, pour ce dernier voyage, il s’agira d’un cortège fluvial qui passera sous le pont.

L’origine et la première partie du retour des cendres

Une précision s’impose : le terme « cendres » a été, alors, employé dans un sens figuré, désignant une dépouille mortuaire. Un codicille du testament de Napoléon précisait sa demande d’être inhumé « sur les bords de la Seine, au milieu de ce peuple français [qu’il avait] tant aimé  ». Après son décès, le gouvernement de Louis XVIII refusa ce retour, craignant des troubles politiques qu’il aurait pu provoquer. Dix ans après la Révolution de juillet 1830, les Trois Glorieuses, Adolphe Thiers, nouveau Président du Conseil, obtint de Louis-Philippe le retour des cendres de Napoléon ; il pouvait ainsi achever la réhabilitation de la Révolution et de l’Empire, qu’il avait entreprise. Après l’acceptation de la demande par le gouvernement britannique, la Chambre des députés vota un budget d’un million de francs «  pour la translation des restes mortels de l’Empereur Napoléon à l’église des Invalides et pour la construction de son tombeau ».

Le cercueil en bois d’ébène quitta l’Île de Sainte-Hélène, le 18 octobre, transporté par la frégate La Belle Poule.

Les belles poules de mer

Ce navire était la troisième des frégates françaises ayant porté le nom Belle Poule ; en fait, elles auraient dû être nommées « Belle Paule », en souvenir d’une jeune fille de Toulouse, dont la beauté avait été remarquée par François Ier lorsque, choisie par le conseil municipal, elle lui avait remis les clés de la ville ; un corsaire bordelais aurait, plus tard, donné son nom en occitan, Bella Paoula, à son navire.
Le nom Belle Poule a été repris pour une goélette devenue un voilier-école de la Marine nationale : construite en 1932 pour pêcher la morue en Islande, elle avait rejoint les Forces Françaises Libres pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle participe, souvent, à des fêtes nautiques, telles que l’Armada.

Arrivé en France un mois et demi plus tard, dans la Rade de Cherbourg, le cercueil fut transféré, six jours plus tard, avec l’équipage sur le bateau La Normandie, fonctionnant à la vapeur et de roues à aubes, qui se dirigea vers Le Havre.

Toutefois, il était trop haut pour passer sous les ponts de la Seine jusqu’à Paris. Près de Rouen, le cercueil fut chargé, le 9 décembre, sur le bateau La Dorade 3 qui, pour ce voyage, avait été peint en noir et décoré d’aigles dorées. Le prince de Joinville, fils de Louis-Philippe qui lui avait confié le commandement de l’expédition depuis le départ de La Belle Poule de Toulon, devait dormir sur le pont comme l’équipage, ne disposant pas d’une cabine.

La transport de passagers sur la Seine

Il a, souvent, été écrit que le cercueil de Napoléon a été transporté sur la Dorade. En fait, il s’agissait du bateau n°3 de la compagnie nommée Les Dorades qui, ainsi que la société concurrente Les Étoiles, assurait le service de transport fluvial entre Paris et Rouen. Dès 1826, 20 bateaux à vapeur circulaient sur la Seine. Le Pecq était devenu le départ des descentes de la Seine jusqu’au Havre en 1837, après l’ouverture de la ligne de chemin de fer qui a, ensuite, été prolongée jusqu’à Saint-Germain-en-Laye. Les bateaux Dorade et Étoile partaient chaque matin à la même heure, 8 heures, et arrivaient à Rouen entre 18 et 19 h ; leur vitesse moyenne était de 18 km/h (200 km en 10 h, avec dix huit arrêts). Chaque capitaine s’efforçait de naviguer plus rapidement que l’autre de sorte que des accidents pouvaient être craints. Ils s’arrêtaient à Maisons-Laffitte, à Conflans-Sainte-Honorine, à Herblay, à Poissy, à Triel, à Meulan, à Mantes, à Rolleboise et à La Roche-Guyon – Bonnières.

Chaque Dorade était mue par une machine à vapeur à haute pression de 40 chevaux, construite par François Cavé, mécanicien à Paris.

En 1843, le nombre de bateaux à vapeur augmentant, une ordonnance de Louis-Philippe réglementa leur navigation sur les rivières et les fleuves de France. Toutefois, les diverses entreprises de navigation, ne pouvant lutter avec le chemin de fer, perdirent peu à peu leurs clients et disparurent vers 1845 ; l’une maintint son activité sur la Haute Seine, de Paris à Montereau.

La traversée de la Seine et Oise

Plusieurs ouvrages, publiés peu après le retour des cendres, relatent en détails cet évènement de juillet à décembre 1840. Celui dont le début du long titre est Histoire de l’expédition de la flottille de bateaux à vapeur de la Seine (4) nous fait bien connaître le déroulement du parcours qui nous concerne particulièrement.

«  A Mantes, où l’on arrive à dix heures du matin, l’espace semble manquer à la population ; le port est envahi, une magnifique garde nationale, de toutes armes, se déploya en bataille sur les deux rives, ayant à sa tête le sous-préfet, le maire, le clergé en habits sacerdotaux, le tribunal, toutes les autorités. C’est l’artillerie de la milice citoyenne qui salue la flottille de l’Empereur ; la Dorade n° 3 y répond en passant sous le pont, décoré de trophées d’armes
où sont inscrites les principales victoires du héros. Cette foule compacte ne semble avoir qu’une voix pour bénir sa mémoire.
Même réception à Porcheville, à Mézières, à Rangiport, à Juziers, à Meulan même, où l’on remarque cependant l’absence de la garde nationale et du clergé ; une lettre adressée par le maire de cette ville au préfet de Seine-et-Oise et publiée dans plusieurs journaux, a parlé de mystifications douloureuses dont cette commune et les populations environnantes auraient été les victimes ; le convoi impérial n’aurait été attendu que pour le lendemain 13 vers 9 heures, et des dispositions auraient été prises en conséquence.
Non, il n’y a eu de la part de qui que ce soit dessein arrêté de mystifier personne. Le prince commandant la flottille, craignant que, si le froid continuait, les glaces n’interrompissent la navigation de la Seine a, dans les commencements, forcé son itinéraire, sauf à y rentrer plus tard aux approches de Paris. Voilà tout ! Il est à regretter que M. le maire de Meulan n’ait pas été informé de ce changement d’étapes, comme tous ses collègues des deux rives ont dû l’être, car tous ont été exacts au rendez-vous de la reconnaissance.
Après Meulan, on a salué le Temple, Port Mahon, Vaux, Triel qui s’adosse à une haute colline, avec son église en amphithéâtre et son hospice, desservi par les Sœurs de la Charité, qui se rangèrent pieusement sur la grève pour dire un dernier adieu au cercueil impérial. On distingue ensuite Verneuil […], Vernouillet, Médan, Vilaines et Poissy qui voit l’escadrille de Napoléon passer en plein jour sous le pont de pierre dont cette vieille cité est redevable à Louis IX, un de ses enfants. Salut, moulins si laids et si utiles ! Vaste marché de bestiaux qui alimente Paris ! […]
Depuis Meulan, l’enthousiasme n’avait fait que croître ; c’étaient partout les mêmes démonstrations spontanées, le même enivrement. A Poissy, la rive était couverte de gardes nationales, de troupes de ligne, d’habitants de l’intérieur qu’unissait une seule pensée, le désir de payer un dernier hommage aux cendres du héros qui avait fait la gloire de la France.
La flottille alla mouiller au-delà du pont où la Seine est encore fort large. Sur les deux rives se formèrent immédiatement des bivouacs, des feux s’allumèrent, des tentes furent dressées, la garde nationale voulut, malgré le froid, faire sa veillée d’arme avec la troupe de ligne. A la lueur des feux, on remarquait, du haut des bateaux à vapeur, les factionnaires qui se relevaient, les patrouilles qui passaient et repassaient silencieuses ; on entendait le qui vive des factionnaires qui se répétait au loin d’écho en écho. Le lendemain, dimanche 13, au point du jour, les tambours battirent la diane, les trompettes y répondirent de la hauteur, les canons de la garde nationale et les obusiers de la Dorade échangèrent leurs saluts. Napoléon, se relevant de son cercueil, eût pu se croire au milieu d’un camp.
Dans la nuit, le duc d’Aumale était venu joindre son frère à bord. L’abbé Coquereau prit leurs ordres. C’était le dernier dimanche qu’il devait passer auprès des restes mortels de l’Empereur. A dix heures du matin, il monta à l’autel pour célébrer la messe devant le cercueil. Les deux princes, à la tête des états-majors, étaient debout, découverts ; les généraux Bertrand et Gourgaud se tenaient au pied du catafalque, dans un profond recueillement ; et autour de la Dorade s’étaient rangés en ordre tous les autres bâtiments, dont les équipages couvraient les ponts. Les troupes et les gardes nationales, en bataille, l’arme au pied ; le clergé de la ville, croix et bannière en tête, étaient venus spontanément s’échelonner sur les deux rives ; et, malgré la rigueur du froid, les populations de Poissy et des communes voisines, hommes, femmes, enfants, vieillards, se groupaient tête nue et agenouillées sur les bords. Le silence qui régnait dans ces masses ferventes n’était interrompu que par le bruit du canon et les harmonies funèbres de la musique du prince qui montait le Zampa. Tout le long de la route, à travers les villages et les villes, elle avait semé en passant les vieux accords de la Marseillaise et du Chant du départ, auxquels plus d’une fois les musiques des gardes nationales et de la ligne avaient répondu avec effusion.
Après la messe, suivie de l’absoute, la flottille se remit en route, accompagnée des vœux des habitants, dont un grand nombre l’escortèrent longtemps à la course. Elle vit, sur son chemin, Achères, Andrésy […], Conflans-Sainte-Honorine avec son joli port ; Herblay et le hameau du Val, avec leurs gracieuses îles ; Lafrette, adossé à une colline abrupte ; Sartrouville ; et enfin Maisons, ou l’on devait passer la nuit ; Maisons, dont le château […] est aujourd’hui la propriété de M. Jacques Laffitte. Un peu avant la nuit, la flottille passa le pont qui fait face au château. Elle alla mouiller un peu plus loin. Le temps était noir et froid. On entendait encore sur le pont et sur les rives quelques cris de vive l’Empereur ! Depuis, deux jours, on annonçait une députation de pairs et de députés, devançant la population parisienne et venant déposer un premier hommage sur le cercueil de l’Empereur. C’était à Maisons surtout qu’on l’attendait. Elle ne parut pas. […] On sentait l’approche de Paris et la fin des tortures physiques. Pourtant ce n’était pas sans regret qu’on voyait finir ce saint pèlerinage. Combien de personnes auraient voulu être à la place des voyageurs !
 »

C’est dans ce château de Maisons-Laffitte qu’est conservé le tableau représentant le mieux le bateau funéraire.

Jacques Laffitte avait commandé au peintre, proche du prince de Joinville, cette œuvre montrant de nombreux détails(5) : la foule est massée sur le pont de Maisons et sur les rives ; l’armée est au garde à vous ; le propriétaire du château et son frère font partie d’un petit groupe qui se détache sur la rive. Des enfants de chœur et un prêtre veillent sur le sarcophage de l’empereur, posé sur le pont de la Dorade. Un drapeau brodé d’un N flotte à l’arrière du bateau.

Le lundi 14 décembre, la flottille, composée de dix bateaux à vapeur, s’ébranla très tôt pour sa dernière étape, sous un magnifique soleil. Au Pecq, dont le pont était tout décoré d’inscriptions et de faisceaux de drapeaux tricolores, les maisons des deux rives étant pavoisées, l’accueil fut semblable à celui de Mantes. Sur un quai de la Seine à Courbevoie, une stèle commémorative marque, toujours, le lieu où la Dorade était venue s’amarrer dans l’après-midi.

La dépouille mortuaire de Napoléon y avait été placée dans un « temple funèbre » construit sur un bateau-catafalque, remorqué par un bateau à vapeur, avant son transfert solennel aux Invalides, le lendemain, sur un « char impérial ».

Les vraisemblables hommages de trois habitants de villes riveraines de la Seine

La Gazette séquanienne ne nous a pas confirmé la présence, sur les bords de la Seine, de trois habitants de notre territoire qui ont pu assister, en bonne place, au passage de la flottille.

Aux Mureaux, Napoléon Daru, propriétaire du Château de Bècheville

Il était le fils de Pierre Daru, comte d’Empire ; l’empereur Napoléon, qui lui avait demandé d’élaborer un nouveau code militaire afin de réorganiser l’armée de terre, en avait fait l’éloge, à Sainte-Hélène, en ces termes : « Il joint le travail du bœuf au courage du lion ». Son fils avait été baptisé Napoléon, lorsque l’empereur et Joséphine étaient devenus son parrain et sa marraine. Il a mené une carrière militaire, avec le grade de capitaine en 1840, et avait succédé à son père à la Chambre des pairs.

A Meulan, Claude Ursule Gency, ancien général de division, baron d’Empire(6)

Militaire depuis 1783, nommé général de brigade en l’an II de la République, il participa aux sièges de Charleroi et de Maastricht avant de prendre part à la pacification de la Vendée sous les ordres du général Hoche. Il fut engagé dans de nombreuses guerres napoléoniennes avec l’armée d’Italie, puis il participa aux batailles de Friedland et de Wagram, où il fut, plusieurs fois, blessé. Commandeur de la Légion d’honneur dès la fondation de l’ordre par Napoléon 1er, il reçut le commandement de la Hollande du Nord. En 1814, le général Gency s’est mis au service de la défense des habitants de Meulan, sa ville natale, contre les Cosaques. A son retour de l’île d’Elbe en 1815, Napoléon Ier le maintint dans le commandement du Département de l’Eure et le nomma lieutenant-général honoraire. Il s’est retiré à Meulan, où il a été inhumé.

A Vaux-sur-Seine, le propriétaire du château, le sculpteur Carlo Marochetti

Le château avait été acquis, en 1819, par un baron d’Empire : son père Vincenzo (Vincent) d’origine turinoise, avocat à la Cour de cassation et au Conseil d’Etat, qui avait été l’un des avocats de Napoléon.

Après ses études à l’École des Beaux-Arts et dans l’atelier de François-Joseph Bosio, Carlo Marochetti a poursuivi sa formation à Rome. Revenu à Paris, il a obtenu des commandes publiques après avoir exposé au Salon de 1827. Dès la décision du retour des cendres de l’Empereur, Louis Philippe avait souhaité ériger un tombeau sous le dôme des Invalides : un cénotaphe impérial surmonté d’une statue équestre de près de cinq mètres. Carlo Marochetti remporta le concours. Cet artiste, qui avait collaboré au décor de l’Arc de Triomphe, venait de livrer une impressionnante statue équestre d’Emmanuel-Philibert de Savoie. Il réalisa, dans son atelier de Vaux-sur-Seine, cette statue, représentant l’empereur à cheval, en habit militaire, portant le collier de la Légion d’honneur autour du cou et un sceptre à la main ; elle était l’une des premières sculptures en bronze mais le projet du monument fut abandonné en 1849, faute de crédits.

En France, Carlo Marochetti a été chevalier de la Légion d’honneur mais c’est le Roi de Sardaigne qui l’a créé baron. Il fut maire de Vaux-sur-Seine, comme l’avait été son père.

Témoignages de deux proches d’anciens généraux de Napoléon Bonaparte

Comme La Gazette séquanienne ne peut pas être trouvée dans les archives publiques, nous avons reconstitué ces évocations du passage de la flottille dans notre territoire ; ces témoignages sont, toutefois, très peu imaginaires.

Victor de Latour-Foissac, à Vilaines (Villennes aujourd’hui)

« Je n’ai pas vu la flotille remonter la Seine. La raison n’est pas que l’Île de Mignot empêche, depuis ma demeure, le Château d’Hacqueville, d’apercevoir le grand bras du fleuve. Si mon père était encore de ce monde, il n’aurait pas voulu voir revenir de son exil lointain celui qui l’avait envoyé en exil intérieur à Vilaines.

Sous-lieutenant au 7e régiment de dragons, j’étais son aide de camp lorsque j’ai participé avec lui à la défense de Mantoue, dont il était le gouverneur. Après la prise, par l’ armée autrichienne, de la ville qu’elle assiégeait, Bonaparte l’avait destitué, lui retirant le droit de porter un uniforme militaire à l’avenir. Il a acquis Hacqueville, où il a vécu ses trois dernières années en « résidence forcée », sous la surveillance de la Police d’État.

Mon frère ainé, général de division, et moi-même, colonel, nous avons suivi sa voie. Nous avons hérité du Château d’Hacqueville après avoir aidé notre père pour payer des sommes énormes afin de rétablir tous les bâtiments, le parc et les murs de clôture. J’espère qu’ils résisteront plus de deux siècles. La dépouille de Napoléon reste, seule, dans la chapelle Saint-Jérôme de l’Eglise Saint-Louis des Invalides. Mon père et ma mère, reposant dans la chapelle de notre Domaine d’Hacqueville, seront entourés par leurs deux fils et mes descendants !  »

Le général François Philippe de Latour-Foissac

La ville où il est né au milieu du XVIIe siècle, Minfeld, est une ville allemande, très proche du nord de l’Alsace, qui faisait partie de 1792 à 1815 du département français du Bas-Rhin ; le futur général s’était fixé en Alsace, notamment à Phalsbourg, où son grand-père avait été lieutenant colonel, son père ayant été capitaine au régiment d’Alsace.

Il est donc logique qu’il ait été choisi pour lever, pendant plusieurs années, le cours du Rhin, avant de rédiger des mémoires d’attaque et de défense pour les rives de ce fleuve frontière.

Après sa participation, en tant que capitaine à la guerre d’indépendance américaine, il devint chef du génie à Phalsbourg ; il y construisit la fontaine royale, ouvrage hydraulique qui fut alors considéré comme un chef-d’œuvre, et il rédigea trois volumes sur la guerre de sièges pour l’instruction des jeunes officiers.

Au moment de la Révolution, capitaine de la Garde Nationale du canton de Phalsbourg, il devint membre du directoire du département de Meurthe. Tout en se montrant favorable aux idées nouvelles, il eut un rôle modérateur et protégea notamment les membres de la colonie israélite locale. Les hostilités contre l’Autriche et la Prusse le rendirent à la vie militaire et accélérèrent son avancement jusqu’au grade de général de brigade provisoire.

Pendant la terreur, il fut suspendu et emprisonné mais le comité de Salut Public le réintégra comme chef de bataillon avant sa nomination au grade de général de brigade. Après plusieurs affectations, il a rejoint à l’armée d’Italie ; en tant que gouverneur de Mantoue lors de l’invasion de la péninsule par les Austro-Russes en 1799, il dut défendre la place dans des conditions très difficiles. Il capitula après avoir résisté pendant quatre mois, n’ayant pas pu mettre en œuvre ses enseignements sur la guerre de sièges !

Félicité Lepic née Geoffroy, à Andrésy

«  Au milieu de nombreux habitants d’Andrésy, mes deux fils et moi, nous sommes allés, non loin du Manoir, notre propriété familiale, sur la berge de la Seine près du confluent de l’Oise, pour rendre hommage à Napoléon.

Malheureusement, mon cher époux Louis qui l’avait accompagné pendant de nombreuses années, n’est plus là. Notre fils Antoine Joachim Hippolyte a disparu, également mais très récemment, trop tôt à l’âge de 29 ans : capitaine de spahis en Algérie, il était l’un des 10 000 soldats français commandés par les ducs d’Orléans et d’Aumale, lorsqu’il est mort au combat près de Blida, en avril dernier.

J’ai tenu à ce que son frère Jacques Philippe Auguste soit avec nous pour saluer l’empereur, à son passage. Sous-lieutenant dans le corps des spahis ’Oran, il est revenu d’Algérie avec une citation à l’ordre de la division pour sa belle conduite au combat ; il vient d’être nommé capitaine au 9e Hussards.

Notre fils aîné, Louis Joseph, auquel nous avons donné le troisième prénom Napoléon, était également présent. Il a fait de même pour son fils Ludovic, né l’année dernière, mais comme deuxième prénom. J’espère que, sous ce patronage symbolique, mon unique petit-fils perpétuera la lignée des Lepic ; il est notre principal atout. Sera-t-il militaire comme les autres hommes de la famille ou mettra-t-il à profit d’autres talents, transmis par son père ? Sans être un artiste, il est un amateur et grand connaisseur des beaux-arts ; ses visites de musées et de collections privées l’ont conduit à constituer sa propre collection de peintures.  »

Le général Louis Lepic

Faisant partie de l’armée d’Italie de 1796 à 1805, Louis Lepic avait été nommé colonel major des grenadiers à cheval de la Garde impériale après la bataille d’Austerlitz. Il avait participé aux campagnes de Prusse et de Pologne. Sa charge héroïque, à la tête de ses cavaliers contre l’infanterie russe, lors de la bataille d’Eylau, lui a valu d’être grièvement blessé et d’être promu, sur le champ, général de brigade par Napoléon. Promu capitaine-général après la bataille de Wagram, il fut fait baron de l’Empire en 1809 après la campagne d’Espagne. Puis, toujours avec la Garde impériale, il participa à la campagne de Russie. Nommé général de division en 1813, il commanda le 2e régiment de la Garde d’honneur pendant la campagne de Saxe, puis celle de France qui s’est terminée par la défaite des armées de Napoléon.>

En février 1807, juste après la bataille d’Eylau, à l’occasion d’une chasse avec Napoléon sur l’Hautil, il se seraient arrêtés dans la ferme seigneuriale d’Andrésy, appartenant à Pierre Joseph Geoffroy, notable et maire de Maurecourt. Le général Lepic serait, alors, tombé amoureux de sa fille Félicité, qu’il a ensuite épousée.

Louis Lepic avait commencé sa carrière militaire dans l’armée d’Italie alors que Philippe de Latour-Foissac y avait terminé la sienne ! Le premier repose dans l’ancien cimetière d’Andrésy, le deuxième dans la chapelle du parc du Château d’Aqueville à Villennes. Quant à Bonaparte devenu simplement Napoléon, qu’ils avaient servis, ses restes sont toujours conservés sous le dôme des Invalides ; lorsque le tombeau fut achevé, plus de vingt ans après le retour des cendres, elles y avaient été transportées, de la chapelle Saint-Jérôme, une chapelle annexe de la Cathédrale Saint-Louis, qui avait été autrefois réservée à la famille royale pour suivre la messe séparément des soldats. Ce tombeau n’est pas surmonté de la statue équestre de Carlo Marochetti, qui a disparu. Une autre empereur, nommé Napoléon, était alors au pouvoir : il était le neveu du premier !

Post-scriptum

Principales sources :

1 : Les Lepic, une famille de notables andrésiens au 19èmesiècle, Evelyne Hervé, Club Historique d’Andrésy
2 : Poissy et son histoire, Narcisse Noël, Cercle d’Études Historiques et Archéologiques, 1978
3 : Napoléon : le retour des cendres, Jean-Marie Homet, Magazine L’Histoire N°272, janvier 2003
4 : Histoire de l’expédition de la flottille de bateaux à vapeur de la Seine : les Dorades, les Étoiles, le Zampa, la Parisienne et le Montereau, envoyés par le gouvernement français à la rencontre de la dépouille mortelle de l’empereur Napoléon, précédée d’un précis de l’expédition de Sainte-Hélène et suivie d’un coup d’œil sur les cérémonies qui ont eu lieu à Paris,d’après MM. le baron Emmanuel de Las Cases, l’abbé Félix Coquereau, Eugène de Monglave, plusieurs officiers de la frégate la Belle-Poule et de la corvette la Favorite, et les capitaines des bateaux à vapeur les Dorades et les Étoiles, 1841
5 : Site Internet ville-imperiale.com
6 : Le général baron Claude Ursule Gency 1765 – 1845, Madeleine Arnold Tetard