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Par : C.S.B
Publié : 3 décembre 2021

Littérature

Quand les politiques nous faisaient rire (essai)

Il n’y a pas que la langue de bois, la pandémie et les pénibles redites de la pré-campagne électorale pour égailler notre quotidien médiatique. Voici un livre qui nous propose l’évasion avec un inventaire désopilant de réparties et de mots d’esprit que l’auteur a glanés tout au long de son long parcours politique.

Répliques improvisées

L’humour est un art en politique et Jean-Louis Debré, l’auteur de l’ouvrage Quand les politiques nous faisaient rire, le pratique lui-même avec grand talent. Il nous livre ainsi un florilège désopilant de répliques et de bons mots glanés tout au long de son long parcours. Chassons la sinistrose que les médias nous véhiculent, à travers leurs antennes, par une lecture qui mène rapidement du sourire complice jusqu’à la franche rigolade. Jadis, l’ironie et l’humour étaient des armes fréquemment utilisées par les politiques pour déstabiliser un adversaire, éviter de répondre à un journaliste, convaincre et séduire l’opinion. De Gaulle, Mitterrand, Chirac étaient des orfèvres en la matière.

Au Parlement, la petite phrase bien ciselée, percutante, qui déclenche des rires, marque l’auditoire mieux qu’un long discours. Ainsi, Georges Clemenceau lançant « Vous n’êtes pas le bon Dieu ! » à Jean Jaurès qui lui répond « Et vous, vous n’êtes même pas le diable !  ». Et Clemenceau de riposter « Qu’en savez-vous ? » Le député André Santini a fait mouche un jour avec cette formule irrésistible à propos du primat des Gaules : « Mgr Decourtray n’a rien compris au préservatif. La preuve : il le met à l’index !  ».

Bonne santé démocratique

Remplaçant la langue de bois et l’invective qui font le terreau des commentateurs en mal d’idées, ces traits d’esprit se révèlent souvent d’une redoutable efficacité, mais il peut aussi arriver que les arguments auxquels ont recours les orateurs fassent rire à leurs dépens. Tel ce député qui se plaignait que dans son département il n’y ait que trois abattoirs, ce nombre étant très «  insuffisant » pour deux cent mille habitants. À travers ce livre, qui fourmille d’anecdotes et de choses vues, l’auteur montre à quel point l’humour est un signe de bonne santé de notre vie démocratique car « Il n’y a pas si longtemps, on pouvait rire de tout…  », rappelle-t-il en déplorant que ce ne soit plus le cas de nos jours. Heureusement, Jean-Louis Debré persiste et signe, quant à lui, dans le registre du bon mot, de l’autodérision et de la saillie verbale. Il regrette le fait qu’on ne puisse plus rire comme autrefois, même en politique. S’il y a des sujets tabous ou à éviter, finie aussi la mauvaise fois assumée, comme celle du radical Edgar Faure. Lorsqu’on lui reprochait de trop souvent retourner sa veste, il répondait “Ce n’est pas la girouette.. mais c’est le vent qui tourne !”. Aujourd’hui, le vent tourne souvent !

Ironie et/ou humour

L’auteur, qui est pour ses visiteurs et ses amis un conteur de grand talent, nous propose un florilège de citations, de bons mots, de réparties et d’anecdotes replacées habilement dans le contexte ou la perspective du public, du lieu et du moment où leurs différents locuteurs ont pris la parole. C’est une magistrale démonstration que l’ironie et l’humour constituent un art en politique. Ces formes de joutes verbales sont « des armes fréquemment utilisées par les politiques pour déstabiliser un adversaire, éviter de répondre à la question prématurée ou gênante d’un journaliste, convaincre et séduire l’opinion  ».

Au fil des pages, Jean-Louis Debré nous montre que de nombreux parlementaires, ministres et présidents de la République ont pratiqué l’humour avec dextérité. Le général de Gaulle, Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac étaient même des « orfèvres en la matière  ». Si l’humour est donc bien un art en politique, dans une récente interview au Figaro, Jean-Louis Debré estime que le rire tend à disparaître et que c’est ce qui manque aujourd’hui à la politique car « la capacité de rire et l’humour sont fédérateurs, semeurs d’optimisme et d’unité. Le drame aujourd’hui, c’est que le rire n’existe plus…  », car les réseaux sociaux « hystérisent la violence » et le niveau politique est en chute libre. On n’improvise presque plus, et le débat a été « totalement asséché » par le changement même du métier de député, qui «  ne consiste plus qu’à lire ce que d’autres ont écrit pour lui […] Ils n’ont pas compris que le rire était une arme, une arme politique redoutable pour déstabiliser l’adversaire, mais aussi pour rassembler des foules ». Toutefois, aujourd’hui, le geste improvisé remplace le discours et le doigt bien que muet devient éloquent !

Sobriquets et lapsus

Nostalgique des joutes verbales du temps de Clemenceau ou Jaurès, « quand ça fusait de partout », Jean-Louis Debré collecte dans cet essai les déclarations historiques d’illustres oubliés, notamment « le cochon est la vache à lait de la France », et nous amuse des « hollandises » du président dont l’un de ses meilleurs sketchs fut son escapade en scooter ! Jean-Louis Debré recense aussi les sobriquets méchants : « capitaine de pédalo dans la saison des tempêtes » (Mélenchon à propos de François Hollande) ; «  barreur de petit temps » (Roland Dumas sur Michel Rocard). Il épingle les coups bas, tels que celui-ci de Jacques Chirac : « [Sarkozy,] il faut lui marcher dessus, ça porte bonheur  ». Toutefois, l’auteur souligne la folle résistance de l’humour involontaire : le lapsus. Il nous en donne quelques exemples mémorables : Cécile Duflot qui, lors d’une conférence de presse avec Daniel Cohn-Bendit en 2010, a déclaré « Nous avons beaucoup réfléchi en amants… » ; François Fillon avec son «  gaz de shit  » ; Édouard Balladur qui proposait de pratiquer la technique du «  bouche-à-bouche » plutôt que du bouche-à-oreille ; Rachida Dati parlant de «  fellation quasi nulle  » ; un député du Val-de-Marne s’exclamant «  Monsieur le Ministre, durcissez votre sexe ! ».

Dans ce début de pré-campagne d’une désarmante austérité (quoique !), ce livre réveille notre hilarité en nous révélant que les politiques nous font et nous feront encore souvent rire.

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