A l’heure où l’ampleur de la cinquième vague du Covid-19 remet la gestion de la crise sanitaire au cœur des débats publics, quelle va être la place des questions de santé dans la campagne et le vote des Français à l’élection présidentielle ? Leurs préoccupations en la matière sont-elles seulement liées aux effets de la crise du Covid-19 sur le système de santé — notamment sur l’hôpital — ou également l’expression d’un malaise plus structurel lié à la dégradation de l’accès à la médecine de ville ? Dans un contexte marqué par un sentiment de dégradation générale de l’accès aux soins en France, comment les Français perçoivent le rôle des différentes professions de santé et notamment l’évolution des missions des pharmaciens qui ont joué un rôle pivot face à la crise sanitaire (test, vaccinations, masques) ?
A — La Santé, l’enjeu majeur de la présidentielle 2022
1 — A la faveur d’une épidémie ayant eu le mérite de braquer les projecteurs sur un sujet relégué généralement au second plan des campagnes électorales, les questions de santé s’imposent aujourd’hui largement en tête des enjeux de l’élection présidentielle : 80% des potentiels votants détermineront leur vote en fonction des enjeux de santé, soit nettement plus qu’en fonction des enjeux identitaires ou sécuritaires — 74% pour l’insécurité, 74% pour le terrorisme 56% pour l’immigration — ayant récemment saturé le débat public. Et si cette sensibilité accrue aux questions de santé doit beaucoup à la crise du Covid-19 (+18 points par rapport à 2017), il faut rappeler que la santé pesait déjà beaucoup dans le vote des Français aux derniers scrutins présidentiel (2017), européen (2019) et régional (premier motif du vote, à 67% en juin 2021).
2 — Bien que plusieurs candidats soient récemment passés à l’offensive sur ce thème en allant à la rencontre des blouses blanches (Valérie Pécresse, Yannick Jadot, Anne Hidalgo, Marine Le Pen…), l’impression générale reste un déficit de traitement de ces enjeux de santé dans le débat électoral actuel : 50% des Français trouvent qu’ils sont « insuffisamment » abordés dans la campagne présidentielle, contre 19% qui jugent que les médias et les candidats en parlent « suffisamment » et 31% comme il faut. La présentation par certains candidats de premier plan (Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon…) de leur programme Santé courant janvier 2022 les fera peut-être évoluer mais en attendant, l’opinion est clairement insatisfaite de la manière dont les acteurs politiques prennent en charge leurs attentes dans ce domaine.
B — Une préoccupation qui n’est pas que le fruit de la crise du Covid-19 mais aussi le produit d’une dégradation structurelle et continue de l’accès aux soins en France
3 — L’inquiétude sur ces enjeux de santé n’est pas que liée à la crise du Covid-19. Certes, nombreux sont les sondés qui partageant les craintes liées à l’impact que le Covid-19 peut avoir sur la qualité (87% d’inquiétudes) ou le financement (85% d’inquiétudes) du système de santé. Mais les Français sont tout autant inquiets par des phénomènes plus structurels comme la baisse de la production de médicaments en Europe (85%) ou l’impact du vieillissement sur l’équilibre du système de santé (82%).
4 — Les préoccupations des Français sur ces sujets sont en réalité l’expression d’un malaise « structurel » lié à la dégradation de l’accès à la médecine de ville. La dégradation du système de santé constitue en effet un sentiment ancien et qui s’est accru ces dernières années à cause des difficultés croissantes d’accès à la médecine de ville comme aux structures d’urgence : 74% des Français estiment ainsi que le système de santé s’est dégradé ces dernières années, soit une proportion largement supérieure à celle que l’Ifop pouvait mesurer il y a 15 ans (57 % en février 2007).
5 — Il est vrai qu’une large majorité de Français (70%) ont déjà dû renoncer au moins une fois à des soins pour des motifs de délais, de coût ou de distance. Et pour la plupart d’entre eux, il ne s’agit pas d’une lointaine expérience de jeunesse : près de la moitié des Français (45%) ont renoncé à un soin au cours des deux dernières années et 15% en ont fait l’expérience il y a entre deux et cinq ans. Enfin, ce genre de mauvaises expériences a littéralement explosé en une quinzaine d’années. La proportion de Français ayant dû se résoudre à ne pas consulter un médecin en raison de délais d’attente trop longs a, par exemple, doublé en quinze ans chez les généralistes (51% en 2021 contre 23% en 2007). Révélateur de l’ampleur de la « désertification médicale », le nombre de patients ayant renoncé à un RDV médical pour des questions de distance est, quant à lui, quatre fois plus élevé qu’il y a quinze ans.
C — Une opinion publique favorable à une évolution du rôle des pharmaciens dans le système de santé
6 — Dans ce contexte de dégradation de l’accès aux différentes professions, les pharmaciens se distinguent en étant jugés comme un acteur « facile d’accès » par la quasi-totalité des Français : 95% de Français les jugent faciles d’accès, contre 67% pour les généralistes (-21 points depuis 2007) et 48% chez les dentistes.
7 — Enfin, les Français se montrent très massivement favorables à un élargissement des missions des pharmaciens qui, il est vrai, ont pu en faire la preuve durant la crise du Covid-19. Aujourd’hui, 80 % des Français adhèrent à l’idée que les pharmaciens puissent procéder à des vaccinations (+10 points depuis 2018) ou aient le droit de modifier des ordonnances (+8 points depuis 2018), soit des hausses significatives en moins de 3 ans.
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