En novembre 2014, le J2R avait mis en garde les architectes de cette grande intercommunalité sans fondation territoriale, ni bassin de vie économique. Huit ans plus tard, il faut s’interroger pour la suite des événements. Sans les mêmes acteurs politiques ?
Depuis le 17 novembre 2022, le débat sur le « machin intercommunal » a fait irruption dans les esprits des habitants. Le vote de l’assemblée délibérante de Grand Paris Seine & Oise a fixé le taux de 6 %, ce qui devrait permettre à la communauté urbaine d’assumer ses missions de proximité et de poursuivre ses investissements en faveur de projets d’intérêt général, selon le site Internet de GPS&O. Effectivement, une TFPB communautaire fixée à 6% « correspond à 39,8 M€ de recettes supplémentaires par an. »
Illusion politique de quelques uns
« Ce n’est pas de la politique » a plaidé un internaute suite à l’annonce et des commentaires sur l’hausse de la pression fiscale. En effet, ce sont des impôts qui vont exploser : des estimations (plus de 200 euros par foyer) font peur et enragent les citoyens qui n’avaient rien demandé. Cependant, il aurait fallu s’intéresser avant et davantage car les politiques et leurs choix (la politique avec ses émanations sur toutes les échelles de la vie locale) avaient des racines lointaines. Voici un retour à la période de gestation de Grand Paris Seine & Oise.
Dans une fuite en avant, orchestrée par Pierre Bédier, président du département et leader incontestable de la droite yvelinoise, même des maires raisonnables avaient choisi de suivre le mouvement de construire une intercommunalités XXL. Le 5 novembre 2014, l’avocat de la super-agglomération, François Garay avait résumé l’état des faits : des retards s’accumulaient ; sa commune et son intercommunalité restaient centrales car auparavant « personne ne voulait [joindre] les Mureaux » mais maintenant les choses avaient changé. En plus M. Garay a su profiter des projets comme Cœur du ville ; l’arrivée d’EOLE et des subventions départementales ont su attirer la force centrale des Mureaux et des alentours. Quelles seraient les équilibres politiques et les compétences « obligatoires » dans une intercommunalité sans pôle urbain incontestable. Ce sont des questions qui restent d’actualité huit ans après.
Défauts structurels de Grand Paris Seine & Oise
Depuis le débat de novembre 2014 à Villennes-sur-Seine(1) l’existence même de cette intercommunalité posait problème. D’abord sur la représentation, Mme Ghislaine Senée, à l’époque maire d’Evecquemont, avait porté à la connaissance du public que la majorité des communes de la future agglomération serait à caractère rural mais ces 80 % des communes auraient seulement 41 % des sièges. En ce qui concerne la gouvernance, 149 sièges sont prévus dans la superagglomération. Aujourd’hui, les défauts continuent : la conférence de maires et les différents dispositifs pour « entendre le pouls » du territoire sont totalement négligés, voire absents de la procédure de prise de décision de l’exécutif. Ensuite, LA demande de dérogation aux autorités compétentes afin de constituer une agglomération à taille humaine n’avait pas été entendu par l’architecte en chef, Pierre Bédier ; en plus, il avait été soutenu par, Jean Daubigny, le préfet de l’époque. Un vrai déni de démocratie locale. Enfin, tout le monde s’accorde à dire que cette intercommunalité n’a pas eu de projet du territoire, l’aura-t-il un jour ?
En pratique, force est de constater que « la compétence voirie » a été un échec énorme, qui efface toute mesure politique de la CU(2). « Elle ne marche[rait] pas » avait martelé, le 5 novembre 2014, M. Hugues Ribault, maire d’Andrésy (2014–2220). A l’instar de la Communauté d’agglomération 2 Rives de Seine (CA2RS, fruit d’un projet politique de Pierre Cardo, député des Yvelines) cet exemple avait hérité de beaucoup des compétences qui posaient problème de proximité (le transport pour la piscine, le ramassage de poubelles… par exemple). Hugues Ribault avait suggéré que « le bassin de vie reste la CA2RS et la communauté d’agglomération Poissy-Achères-Conflans et ultérieurement Cergy-Pontoise ». Sans succès.
Un autre péché original consistait à la mise en œuvre d’un pacte fiscal qui mettait en place une sorte de neutralité fiscale qui avait été contesté aux tribunaux par sept communes de l’ancienne CA2RS. Conclusion : les communes riches en potentiel fiscal et en recettes d’impôts n’avaient pas à payer pour les services rendus à leur population d’une manière équitable. Toute l’architecture fiscale et budgétaire était à revoir et corriger. D’ailleurs, la Chambre régionale de comptes l’a explicité en 2021 : la commission ad hoc, CLECT, n’a été ni réunie, ni consulté convenablement ; la CU Grand Paris Seine & Oise n’a pas fait preuve d’une transparence et d’une véracité de comptes. Ce sont des comptes insincères qui ont été produits entre 2018 et 2019. C’est une aberration administrative qui devait corrigée dans un bref délais. Par la pression fiscale évidement. Aura-t-il un jour des sanctions pénales aux élus décisionnaires de cet ensemble de décisions ? Non, car les administrations restent sourdes et parfois sont complices directes.
Coûts à venir…
Pour Denis Faist, ancien conseiller communautaire de la Communauté urbaine Grand Paris Seine & Oise (GPS&O), interviewé le 8 février 2022, il est temps de la réformer : il faut, notamment, modifier le pacte fiscal et mettre en œuvre une subsidiarité pour rendre efficace l’action publique dans cette intercommunalité.
Dans une interview vidéo, Denis Faist, qui avait prédit cette catastrophe, en 2015, de GPS&O, met en relief l’état de la situation calamiteuse de cette plus grande intercommunalité de France (404 000 habitants et trois bassins de vie). Depuis 2015, selon son analyse, mise à part les deux défauts cités ci-dessus, l’absence d’une fiscalité stable et durable pourrait mettre encore en péril l’architecture de ce machin. Par voie de conséquence, cette intercommunalité Grand Paris Seine & Oise pourrait encore nous coûter cher sur le plan fiscal. Pourquoi s’arrêter 6 % ?
Enfin, l’assemblée délibérante de Grand Paris Seine & Oise est un organe sans boussole. Seuls les 29 élus qui ont voté contre l’augmentation de la pression fiscale méritent notre reconnaissance car ils ont montré que le temps du changement de méthode s’imposera tôt ou tard. Entre-temps, le chantage pour les subventions « départementales » est également le prix à payer pour un système de prébendes qui a existé et continuera à exister jusqu’à la chute du « Tonton » du Mantois.
Notes
1. Les échanges du 5 novembre 2014 avaient été modérés par l’auteur de cet article dans le cadre du Journal des 2 Rives. Une dizaine d’acteurs politiques s’étaient prêtés au jeu, sauf M. Pierre Bédier, le manitou de cette intercommunalité, et M. Philippe Tautou, qui est devenu le 1er président de ce “machin” ni fait ni à faire. Les participants étaient Françoise Descamps-Crosnier, députée des Yvelines, François Garay, président de la Communauté d’agglomération Seine & Vexin et maire des Mureaux, Michel Lebouc, vice-président de la CAMY et maire de Magnanville, Michel Pons, vice-président de la CA2RS et maire de Villennes-sur-Seine, Hugues Ribault, vice-président de la CA2RS et maire d’Andrésy, Arnaud Richard, député des Yvelines et conseiller municipal de Triel, Ghislaine Senée, conseillère régionale et maire d’Evecquemont, Yannick Tasset, vice-président de la CA2RS et maire d’Orgeval.
Cf. dossier Intercommunalités : Le choix cornélien : entre contrainte ou opportunité ? Journal des 2 Rives, oct-novembre 2014, pages 5–8
2. Certes, le Plan local d’urbanisme intercommunal a été mise en place ; des annonces sont faites tout le temps pour “simplifier” le quotidien des usagers et habitants de la CU. Pour le reste, il faut attendre.
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