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Publié : 25 juin 2022

Question démocratie

Chroniques de Rodrigo : la démocratie est-elle malade ?

Qu’est-ce la démocratie ? “Le pouvoir du peuple, pour et par le peuple”, pouvons-nous rapidement répliquer. Ce système ne souffre-t-il pas de maladies chroniques ? Voici une réflexion sur l’état de notre démocratie locale et nationale.

Souvent, la démocratie est définie comme l’avait fait jadis Abraham Lincoln, président américain pendant la guerre civile américaine : « le système de gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Ce terme est issu du mot grec ancien dēmokratia, formé de deux éléments : dēmos (peuple) et kratos (pouvoir).

Cependant, on constate que la démocratie est confrontée à des « maladies chroniques » comme l’avait souligné, en 2017, Frédéric Worms(1). Pour M. Worms, persiste une violence intérieure aux relations humaines, un système binaire de raisonnement (oui/non), une régression dans les relations humaines. Ces comportements sont accentués par les ébranlements de l’époque : les excès d’Internet et des réseaux sociaux, la xénophobie, l’intolérance vis-à-vis des adversaires (que l’on assimile à des ennemis à battre, parfois physiquement !) et le cynisme pour accéder au pouvoir (ou le garder).

Lors de l’accession au pouvoir de Donald Trump, des sociologues et des politologues ont examiné les raisons principales de ce vote inédit dans une Amérique « idéalisée » comme le pinacle de la démocratie. Dans Revolt, un livre qui retrace les intentions puis les votes dans les états pivots (Swing States) comme l’Ohio et la Pennsylvanie, l’auteur avait observé ces maux conceptualisés par M. Worms. Pire, il ressort de Revolt qu’aux États-Unis d’Amérique, il ne restait qu’Internet et les réseaux sociaux, avec leurs défauts, pour débattre et échanger sur la chose publique et l’intérêt d’élire tel ou tel candidat. Pas d’agora, pas de forum, pas de journaux locaux. Tout a disparu !

En outre, s’ajoute à cette situation de crise le manque de modération et de sérénité. Il ne faut pas entrer dans le piège des outrances car il nous conduirait à un point de non-retour. C’est du quitte ou double ! Or, la vie est et doit rester complexe. « La sérénité que l’on accorde aux mystiques »(2) peut permettre aux élus d’un conseil municipal ou d’un régime parlementaire ou présidentiel, de s’attribuer une force naturelle. Celle-ci peut faire dépasser les obstacles de cette situation de crise à l’échelle locale ou nationale.

Enfin, dans l’un des derniers ouvrages de Marcel Detienne(3), « le fait démocratique » est universel car, dans le temps et dans l’espace, ce moment permet aux « peuples » de décider leurs destins communs. Ainsi, en prenant le cas de la Révolution française, dans le cas d’une tribu africaine (les Ocholos) et celui des Cosaques des steppes de Russie, le chef (ou cheffe si vous voulez) évoque des enjeux et la décision à prendre dans un parfait « cercle démocratique », puis il fait une pause. A ce moment, un des membres de ce cercle peut et doit prendre la parole pour l’appuyer, le critiquer, voire le contredire… C’est ensuite que les membres du cercle acquiescent ou non, comme dans une entité délibérative moderne et « démocratique ».

Reprenons nos esprits et tâchons de revenir aux fondamentaux de la démocratie, quelle que soit l’échelle, locale ou nationale. Suis-je naïf ? Peut-être, mais notre démocratie mérite davantage que ce que nous constatons dans cette année de crise.

Post-scriptum

Notes

1. Les maladies chroniques de la démocratie, Frédéric Worms, 2017, Desclée de Brouwer, 249 pages

2. idem, page 111

3. Comparer l’incomparable, Marcel Detienne, Paris, Éd. Le Seuil, coll. Points, 2009, 188 p.