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Publié : 31 mars 2023

Immobilier

Immobilier : un marché à plusieurs vitesses, en attendant la chute

Après quatre années d’euphorie, le marché immobilier rentre dans un cycle de baisse qui et se caractérise par une baisse de volume et, à terme, une chute de prix. Mais pour le moment, c’est une période attentiste qui fait dire que le marché a plusieurs visages.

Après les records des dernières années, le marché immobilier retrouve la raison en ce début 2023. Ainsi, le réseau Laforêt constate un rééquilibrage des prix sous l’effet d’une demande aujourd’hui freinée par le pouvoir d’achat immobilier, qui ne cesse de reculer. Face à des vendeurs attentistes qui campent sur leurs positions et ralentissent les transactions, l’offre se reconstitue partiellement. Parallèlement, le marché est impacté par la chute de la production de crédits immobiliers qui s’est poursuivie en février (-45,2 % en glissement annuel1). Sur un an, le nombre de prêts accordés a reculé de 27,2 % (+7,6 % par rapport à la même époque l’an dernier)1. Malgré ces indicateurs, qui sont essentiellement le signe d’un retour à l’équilibre après 4 ans d’euphorie, le volume de transactions poursuit sur des bases élevées.

UNE DEMANDE FREINÉE PAR LA HAUSSE DES TAUX D’INTÉRÊT

En comparaison avec le quatrième trimestre 2022, la demande se redresse en ce début d’année de 3 %, mais recule de 11 % par rapport à la même période de l’an dernier, lorsque le marché était encore à son apogée. Pour autant, selon une récente étude OpinionWay pour Laforêt, un peu plus de 1 Français sur 10 déclare avoir l’intention d’acheter un bien immobilier en 2023 (14 %) et certains ont déjà commencé leurs recherches (8%)2.

Dans le détail, on constate qu’une partie des acquéreurs ont quitté le marché : les primo-accédants et les ménages les plus modestes, souvent dans l’incapacité de se constituer un apport suffisant. De surcroît, ceux qui auraient la capacité de financer leur projet refusent encore de faire des compromis, se dirigeant vers des projets moins onéreux ou moins ambitieux. Ils préfèrent se retirer provisoirement du marché dans l’attente de conditions hypothétiquement plus favorables.

Les investisseurs à la recherche d’un investissement locatif ou qui souhaitent se constituer un patrimoine sont confrontés aux contraintes de rénovation énergétique et à la difficulté d’accès au financement. Plus d’un tiers des Français (36 %)2 reverraient ainsi leur projet immobilier si le taux d’intérêt dépassait les 3 %, alors même qu’en février dernier, il était déjà évalué en moyenne à 2,82%1.

On note également que les achats de confort – une pièce en plus, un balcon… – sont mis en pause. Dans une ambiance économique et politique anxiogène, la confiance des ménages, selon l’INSEE, reste dégradée et conduit à une certaine réserve. Les acquéreurs veulent désormais avoir le choix, comparer, étudier, calculer, même si le coup de cœur peut encore prendre l’avantage sur la prudence.

L’allongement de la durée d’endettement reste par ailleurs insuffisant pour compenser la hausse des taux d’intérêt ou amortir les conséquences de l’augmentation de l’apport personnel exigé par les banques. Ce dernier peut dépasser 15 % du montant emprunté, écartant de fait les ménages les plus modestes et beaucoup de primo-accédants.

Les critères d’accès au crédit dictés par le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) empêchent également les ménages les plus aisés, qui pourraient consacrer plus de 35 % de leurs revenus au remboursement d’un crédit immobilier sans bouleverser leur qualité de vie ni créer une situation de surendettement, d’accéder à l’emprunt. Pourtant, cela permettrait à des investisseurs qui aujourd’hui sont en partie écartés du marché immobilier de revenir, mais aussi de soutenir le parc locatif privé qui loge près de 1 Français sur 43.

En observant de plus près le type de biens recherchés, on remarque que la demande recule davantage sur les maisons que sur les appartements : ‑13 % pour les premières et ‑8 % pour les seconds par rapport au premier trimestre 2022.

Rappelons toutefois que la demande immobilière reste soutenue par la démographie et les événements de la vie, tels les mariages, les naissances ou les décohabitations. Les secundo-accédants, qui subissent moins durement l’accès au financement que les primo-accédants, restent aussi très actifs. Le besoin en logements s’affirme ainsi comme une valeur constante, d’autant que le marché de l’immobilier ancien profite de la crise du logement neuf et de la volatilité des places boursières. La pierre reste un placement privilégié par les Français.

UNE OFFRE QUI SE RECONSTITUE APRÈS PLUSIEURS ANNÉES D’EUPHORIE

L’offre se reconstitue. Elle a progressé de 9 % entre le dernier trimestre 2022 et le premier trimestre 2023, grimpant même à +13 % en comparaison avec les 3 premiers mois de 2022. Si elle se redresse significativement, elle reste néanmoins encore insuffisante pour permettre à la fois d’assurer la fluidité nécessaire, afin de répondre à la demande, et d’endiguer totalement la hausse des prix.

L’opportunisme est de mise : un certain nombre de Français souhaitent profiter de prix élevés pour vendre leur logement et réaliser leur plus-value. Parallèlement, un chassé-croisé s’organise : si les projets de confort ont ralenti, certains Français

veulent toujours quitter les métropoles pour se mettre au vert, tandis que d’autres, à l’inverse, souhaitent revenir dans les villes, déçus par la ruralité, ou pour mieux répondre à leurs besoins quotidiens (écoles, services publics, transports…).

D’un point de vue qualitatif, une partie de l’offre reste basée sur un niveau de prix qui ne reflètent plus la réalité du marché.

LES TRANSACTIONS : LES SECUNDO-ACCÉDANTS CONSERVENT LES COMMANDES

Comparé au premier trimestre 2022, le recul des transactions est franc au premier trimestre 2023, avec une baisse de 7 % des volumes. Si cette tendance a été enclenchée dès la fin de l’année dernière, le marché reste néanmoins sur des bases élevées.

La baisse se révèle plus importante à Paris, avec un recul marqué de 8 % du volume de transactions. Il faudra cependant attendre la fin du deuxième trimestre pour obtenir une tendance homogène. En Île-de-France, le recul est de 6 %, confirmant là aussi l’accalmie observée fin 2022. Les départements les moins chers conservent leur attractivité en raison des prix immobiliers mesurés, tandis que la petite couronne, à l’exception de la Seine-Saint-Denis, suit la même tendance que la capitale.

Dans les régions, la baisse des transactions se situe à 7 % et est principalement ressentie dans les petites villes et les métropoles. On constate également une forte disparité géographique : la Normandie et la Côte d’Azur restent très attractives et maintiennent leurs volumes en ce début d’année.

Cette baisse est la conséquence d’un marché en transition, sur lequel vendeurs et acquéreurs doivent accepter de nouvelles règles du jeu : redimensionner les prix pour les vendeurs et les projets pour les acquéreurs.

La révision du taux d’usure a produit ses effets, n’empêchant plus les transactions de se réaliser. Seulement, cette bonne nouvelle est neutralisée en partie par la hausse des taux d’intérêt et le durcissement des conditions d’octroi de financement liés aux recommandations du HCSF, freinant les transactions.

Disposant souvent d’un apport confortable grâce à la revente de leur précédent bien, les secundo-accédants conduisent la majorité des transactions (52 %). En revanche, la proportion de primo-accédants ne cesse de reculer. Ainsi, ils représentent désormais 28 % des acquéreurs contre plus de 50 % auparavant, tandis que la part des investisseurs reste stable à 20 %.

LE GRAND ÉCART DES PRIX

Au cours du premier trimestre, les prix reculent de 0,82 % au national à 3 467 €/m2. Les régions baissent plus doucement de 0,44% à 2548€/m2. L’Île-de- France affiche un recul plus marqué de 1,34 % à 4 376 €/m2, tandis que Paris suit le mouvement avec ‑1,43 %, restant tout juste au-dessus des 10 000 €/m2, en moyenne (10 027 €/m2).

Dans le détail, certains arrondissements de la capitale sont sous cette barre symbolique, notamment dans l’Est parisien (10e, 11e, 12e, 13e, 18e, 19e et 20e), tandis que les 14e, 15e, 16e et 17e se maintiennent au-dessus. En revanche, les 1er, 2e, 3e, 4e, 5e, 6e, 7e, 8e et 9e arrondissements continuent d’afficher un prix élevé à plus de 11 000 €/m2.

À Marseille et Lyon, les prix reculent respectivement de ‑1% (3 654 €/m2) et ‑0,8 % (5 029 €/m2). C’est le cas aussi à Strasbourg (-0,9 % à 3 795 €/m2) et Lille (-1,7 % à 3 438 €/m2).

À l’inverse, ils augmentent encore à Toulouse (+0,1 % à 3 517 €/m2), Nice (+1,6 % à 5 040 €/m2) et Nancy (+1,6 % à 2 486 €/m2).

La façade ouest est celle qui résiste le mieux, avec des augmentations marquées en 3 mois comme à Lorient (+1,9 % à 2 666 €/m2), La Rochelle (+2,1 % à 5 322 €/m2) et Biarritz (+1,2 % à 8 126 €/m2). C’est aussi le cas, dans une moindre mesure, à Brest (2 439 €/m2, soit +0,8 %) et à Bordeaux (4 790 €/m2, soit +0,4 %).

Le prix est de plus en plus corrélé aux qualités du logement. Si les immeubles récents ou haussmanniens continuent de séduire les acquéreurs, ceux plus ordinaires, qui se vendaient il y a quelques mois encore au même prix, sont dépréciés. Les acquéreurs étudient plus attentivement la situation du bien et ses qualités intrinsèques, préférant miser sur des valeurs sûres.

DES DÉLAIS DE VENTE QUI CONTINUENT DE S’ALLONGER

Dans ce contexte, les délais de vente s’allongent assez logiquement. Par rapport à la même période de l’an dernier, ils sont désormais de 90 jours au national, soit + 6 jours. À Paris, ils augmentent de 1 jour sur les 3 derniers mois (81 jours), 10 jours en région à 91 jours et 11 jours en Île-de-France à 89 jours.

En comparaison avec la fin de l’an dernier, les délais de vente des maisons progressent de 14 jours (90 jours), tandis que ceux des appartements s’allongent d’une semaine (90 jours).

On retrouve un rythme de marché équivalent à celui observé avant les années d’euphorie. Ces 6 dernières années, à Paris, le délai moyen de transaction était inférieur à 70 jours, ce qui traduit un net ralentissement. En Île-de-France, on reste toutefois sur des délais relativement rapides, tout comme en région (100 jours en 2016). Le marché reste donc fluide. Cette augmentation des délais de vente est portée par la réflexion des acquéreurs, qui veulent visiter plus de biens, faire leurs comptes et s’assurer que leur dossier de financement est solide avant de se décider.

LES MARGES DE NÉGOCIATION PROGRESSENT PARTOUT EN FRANCE

Au niveau national, les négociations progressent de 0,7 pt à 5,25 % par rapport au premier trimestre 2022. Une augmentation liée pour moitié (0,35 pt) aux 3 derniers mois. Paris affiche 4,97 % soit +0,52 pt depuis le début de l’année et +0,93 pt par rapport à la même période de l’an dernier. Même constat en Île-de-France avec 5,18 % d’écart entre le prix proposé et le prix acté (+0,67 pt sur le premier trimestre 2023), soit +0,98 pt depuis l’an dernier. Enfin, en région, la négociation se situe en moyenne à 5,34 %, soit +0,23 pt les 3 derniers mois et +0,66 pt sur 12 mois.

L’accélération des négociations sur les 3 derniers mois est significative, partout en France. L’explication est assez simple : les conditions d’emprunt s’étant durcies, les acquéreurs cherchent à récupérer en partie leur pouvoir d’achat immobilier.

 

Quand l’étiquette énergétique s’en mêle !
Les passoires énergétiques constituent une préoccupation majeure pour les Français.

Plus de huit Français sur dix déclarent en effet regarder de près le DPE lorsqu’ils consultent les annonces pour des biens immobiliers (83 %)2. À Paris, 20 % des logements sont classés G et nécessiteront des travaux de rénovation dans les années àvenir. Le diagnostic de performance énergétique (DPE) joue un rôle important dans la sélection des biens. Les logements classés G représentent aujourd’hui moins de 6 % des biens à la vente au sein du réseau Laforêt. Lors de leur mise sur le marché, ils sont souvent dévalués d’environ 5 % et font souvent l’objet d’une négociation supplémentaire, afin de financer les travaux qui devront être réalisés.

Le temps de transaction pour les logements classés G est plus long que la moyenne, à 97 jours. Cependant, pour ceux qui maîtrisent la chaîne d’intervenants dans la rénovation du bâtiment, l’achat d’un tel logement peut constituer une opportunité. Ainsi, malgré les défis posés par les passoires énergétiques, il est possible de trouver des opportunités intéressantes.

CONCLUSION

Dans un contexte inflationniste, nous sommes entrés dans une phase de transition du marché de l’immobilier ancien, qui se cherche un nouveau cadre. S’il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives, il apparaît clairement que les indicateurs se rééquilibrent après plusieurs années records. Les acquéreurs, s’ils sont moins nombreux, restent motivés et actifs. Et, si le volume de transactions diminue, il reste néanmoins conséquent.

Après la frénésie des dernières années, le marché de l’immobilier ancien semble ainsi retrouver ses nuances, ainsi qu’un rythme plus habituel.

Concernant les prix, les écarts persistent et la baisse reste contenue. Les acquéreurs recherchent le juste rapport qualité/prix ; les biens situés dans des quartiers prisés, sans défauts et affichant une bonne étiquette énergétique sont peu négociés. Vendeurs comme acquéreurs doivent donc faire des concessions s’ils veulent voir leur projet immobilier aboutir.

Cette situation d’attentisme a pour conséquence de mettre davantage de pression sur le marché locatif, avec une demande qui augmente de 21 %. Avec la hausse des taux d’intérêt, bon nombre de ceux qui auraient pu acheter préfèrent rester locataires, créant mécaniquement une tension sur l’offre locative avec une durée d’occupation qui s’allonge. L’interdiction progressive de la location des logements énergivores contribue à accroître cette tension.

L’accession à la propriété est également freinée par les contraintes imposées par le HCSF et la frilosité des banques, dont les exigences en apport ne cessent de progresser pour se situer aujourd’hui entre 15 et 20 % du montant emprunté, écartant davantage les primo-accédants et les acquéreurs les plus modestes

Post-scriptum

Notes

1. https://www.lobservatoirecreditlogement.fr/uploads/obs_publications/1152845764-TDB_L_Observatoire_Credit_Logement_CSA_fevrier2023.pdf
2. Le baromètre « Les Français et l’immobilier », réalisé pour Laforêt par Opinionway, sur un échantillon de 1 021 personnes, âgées de 18 ans et plus, les 15 et 16 mars 2023.

3. https://www.insee.fr/fr/statistiques/3269496 https://www.vie-publique.fr/en-bref/277729–124-millions-de-logements-supplementaires-depuis-1982