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Publié : 23 mai

Littérature

Massoumeh Raouf, invitée d’honneur à la fête du livre de Triel

Massoumeh Raouf, ex-prisonnière politique et ancienne journaliste iranienne, incarne le courage et la détermination pour la liberté et la justice en Iran. Témoin des injustices sous le régime des mollahs, elle a choisi de défendre les droits fondamentaux de son peuple malgré le lourd tribut payé avec l’exécution de son frère cadet. Emprisonnée pour son engagement, elle refuse de se taire et inspire de nombreux militants. Après avoir été condamnée à 20 ans de prison, elle s’est évadée au bout de 8 mois, expérience relatée dans son ouvrage « Évasion de la prison d’Iran » paru en 2022. En hommage à son frère, elle a écrit la bande dessinée « Un petit prince au pays des mollahs ». L’écrivaine a accordé le 15 mai une interview pour évoquer son parcours singulier, son combat politique et l’avenir de son pays d’origine.

Son récit, tissé de bravoure et de résilience, se déploie dans les pages de « Évasion de la prison d’Iran », une chronique poignante de son évasion spectaculaire après huit mois d’emprisonnement dans les geôles de l’oppression. Publié en 2022 chez Balland, ce récit résonne comme un hymne à la liberté, témoignant de la ténacité de l’esprit humain face à l’adversité.
Dans un geste d’hommage poignant et vibrant, elle dédie son ouvrage « Un petit prince au pays des mollahs » à la mémoire de son frère cadet, Ahmad, l’une des innombrables victimes du massacre des prisonniers politiques en 1988 en Iran. À travers cette œuvre, publiée chez S‑Active, elle tisse un portrait émouvant de son frère, illuminant son existence écourtée par l’obscurantisme, et perpétuant ainsi le souvenir de ceux qui ont sacrifié leur vie pour un idéal de liberté et de dignité humaine.

1. Journal des 2 Rives : Vu votre parcours singulier, considérez-vous comme une écrivaine, une militante ou une journaliste ?

Massoumeh Raouf : « Dans l’espoir d’un Iran libre, nous avons participé à des manifestations pour renverser un dictateur monarchique – le Shah d’Iran. Moi et mon frère nous somme de la génération de la révolution de 1979. Mais le printemps de la liberté a été de courte durée et les mollahs ont trahi le peuple iranien avec instauration d’une dictature plus pire sous le nom de l’islam qui n’a rien avoir avec esprit de cette religion.
À l’âge de 20 ans, j’ai entamé ma carrière journaliste pour le journal d’opposition du régime des mollahs en Iran. J’ai servi en tant que correspondante pour le quotidien « Moudjahid » dans ma ville de Racht. Après juin 1981, lorsque l’organisation des Moudjahidines du peuple d’Iran est devenue illégale et que le journal a été fermé et interdit, j’ai été chargée de fournir au « Moudjahid » des rapports, des informations et des photographies sur les exécutions et les victimes du régime des mollahs. Cette tâche s’est avérée extrêmement dangereuse dans de telles circonstances.

Dans cette démarche, j’ai été arrêtée en septembre 1981 dans la rue. Ils me soupçonnaient d’être sympathisante des Moudjahidines du peuple d’Iran. À l’époque, ce simple soupçon suffisait pour que l’on soit arrêté, torturé et exécuté. Mon soi-disant “procès” n’a duré que dix minutes. Sans aucun droit à la défense, j’ai été condamnée à 20 ans de prison. J’avais 20 ans.

Pourtant, au bout de huit mois, avec l’aide de mes courageuses compagnes de cellule, je réussis à m’évader. Après ma fuite, le régime se vengea également sur ma famille. Ils arrêtèrent ma mère, déjà atteinte d’un cancer. Faute de soins, elle succomba peu après sa libération. Mon frère cadet, Ahmad, âgé de 16 ans à l’époque et arrêté avant ma fuite, fut accusé de complicité dans mon évasion. Il fut de nouveau interrogé et torturé…

Depuis l’exil, je collabore avec le Conseil national de la Résistance iranienne. J’ai travaillé pendant de nombreuses années à la radio et la télévision ainsi qu’à l’édition du CNRI en persan. De 1996 à 2001, j’ai fait des recherches sur les familles des victimes du massacre de 1988 et sur la situation des prisons en Iran. J’ai ainsi pu participer à la publication de deux ouvrages collectifs : » Massacre des prisonniers politiques » et « Des héros enchaînés » en persan (farsi). Ces années de recherche m’ont permis de rassembler aussi des documents et des renseignements sur le sort de mon frère et ça ma permis d’écrire son histoire. »

2. J2R : Pourquoi écrire sur un régime qui semble bien consolidé et puissant de l’extérieur ? Est-ce que c’est un combat difficile ?

M.R. : « Pour moi, écrire est en soi une forme de résistance, transmettre cet esprit de résistance aux autres et garder cette flamme de résistance vivante. Écrire, c’est graver et révéler ce que le pouvoir en place préfère occulter et ignorer. Ce que le régime des mollahs en Iran a fait à l’été 1988, dans un silence assourdissant, en massacrant 30 000 prisonniers politiques, dont mon frère, demeure une tache indélébile dans l’histoire, un « crime contre l’humanité resté impuni ».
La raison d’écrire des livres pour moi n’était pas simplement de créer une œuvre littéraire. Cela faisait partie de ma lutte pour la justice et pour attirer l’attention du public sur la terrible situation dans mon pays.
Ma vie peut se résumer en trois mots : Femme – Résistance – Liberté. Car la vie a un sens quand il y a des résistances pour la liberté et les valeurs humaines. Pour mieux comprendre les événements récents en Iran, je vous propose de lire mes livres, qui racontent en fait l’histoire contemporaine de l’Iran à travers mon expérience et mon vécu.

Pendant des années, je me suis demandé comment transmettre le message de ces milliers de jeunes qui ont sacrifié leur vie pour la liberté, notamment à ceux qui ont aujourd’hui l’âge qu’ils avaient à l’époque. Le parcours d’Ahmed est aussi celui de nombreux jeunes Iraniens de l’époque, une jeunesse habitée par des idéaux de liberté et de justice. Cet ouvrage est dédié à toutes les « roses rouges » de la Résistance. En écrivant son histoire, je voulais lui redonner vie pour toujours. Les héros ne meurent jamais. Toute cette génération qui a résisté à la dictature a inspiré la jeunesse d’aujourd’hui. On refuse de plier devant une dictature.

Le massacre de 30.000 prisonniers politiques en 1988 reste l’un des événements le plus choquant dans l’histoire de la république islamique. Cette période noire de l’histoire contemporaine de l’Iran est restée méconnu dans l’opinion publique en Occident en raison de la politique de complaisance menée par les pays occidentaux vis à vis du régime des mollahs, et aussi du silence complice de l’ONU. »

3.J2R : Le régime d’Iran, est-il affaibli selon votre analyse ?

M.R. : «  Le peuple iranien et en particulier les femmes courageuses de mon pays ont montré au monde entier, par leur soulèvement et leur résistance héroïque, qu’ils renverseraient ce régime et que le changement est en marche.
Pour mieux comprendre les événements récente de l’Iran, je vous propose de lire mes livres, qui racontent en fait l’histoire contemporaine de l’Iran à travers de mon histoire personnelle et mon vécu. Le soulèvement de l’automne 2022 mené essentiellement par les jeunes femmes et la jeunesse en générale avait ébranlé les fondements même de la théocratie qui s’est trouvée face à une révolte sans précédent depuis son avènement en 1979, notamment par sa durée et sa répartition géographique.

Ces jeunes révoltés ont visé le haut de la hiérarchie du pouvoir, le guide suprême, envoyant le message clair qu’ils voulaient la fin de cette dictature et l’instauration d’une république démocratique, laïque et pluraliste. Ce qui explique la sauvagerie et la férocité avec lesquelles les autorités ont réprimé ce soulèvement dans le sang : près de 750 morts dont au moins 70 femmes et 40 enfants ou adolescents, le pouvoir est depuis face à une menace existentielle.
Malgré une accalmie de façade, tout le monde sait que rien n’est joué et des voix à l’intérieur même du pouvoir mettent en garde de plus en plus contre une nouvelle explosion sociale aux conséquences encore plus désastreuses pour les dirigeants de ce système vieilli, affaibli et aux abois ; incapable d’apporter la moindre réponse aux innombrables problèmes économiques, sociaux et culturels accumulés au cours de plus de quatre décennies d’un système de gouvernement tyrannique, violents et répressif aux méthodes médiévales.

En réalité le soulèvement de 2022, ne s’est pas fait du jour au lendemain. Les racines de cette révolution démocratique sont tissées dans l’histoire contemporaine de l’Iran et de 44 ans lutte contre l’intégrisme sous le nom de l’islam pour laquelle plus de 120 000 héros de la liberté dont mon cher frère Ahmad ont sacrifié leur vie.
Le monde entier a admiré les femmes iraniennes pour leur courage dans le soulèvement contre l’apartheid sexuel. L’objectif des femmes iraniennes n’est pas de demander au régime tel ou tel droit. Elles veulent changer le régime misogyne des mullahs dans sa totalité.
Elles savent très bien qu’elles n’obtiendront la liberté vestimentaire, l’égalité, et tous leurs droits sociaux, économiques et politiques qu’avec la chute de ce régime. C’est pour cette raison que dès le premier jour du soulèvement, elles ont scandé “A bas le dictateur” et “A bas Khamenei” et qu’elles ont crié “avec hijab ou sans hijab, en avant vers la révolution”. Le désir des Iraniennes est de renverser ce régime misogyne.

La liberté c’est le peuple iranien lui-même qui la fera triompher. Mais il a besoin de la solidarité effective des pays démocratiques du monde entier pour isoler le régime et reconnaître son alternative républicaine et démocratique qui rejette tout genre de dictatures soit le chah ou des mollahs.
C’est le Conseil National de la Résistance iranienne, dirigé par une femme – Mme Mryam Radjavi avec un programme bien défini en 10 point. Plus de 50 % des membres du CNRI sont des femmes. Il est le seul mouvement en Iran qui, dès le début, a proposé un plan et publié un programme sur toutes les questions fondamentales de l’Iran.
Face à ce régime avide de pouvoir qui ne respecte aucune loi, il faut faire preuve de détermination. Les mollahs ne comprennent que le langage de la force …Leur système est à bout de souffle. Il finira par êtres renverser. C’est une question de temps et de circonstances.
En réalité, ce qui se passe dans les rues d’Iran est le prolongement d’une bataille plus de quarante années avec les mêmes slogans, idées et aspirations. Une bataille qui se dirige vers le renversement des mollahs et vers un Iran libre.

J’avais 24 ans lorsque je suis arrivé en France en tant que réfugié politique. Je retournerai en Iran lorsque le régime des mollahs ne sera plus au pouvoir. L’histoire nous a appris qu’aucune dictature n’est éternelle et que le régime des mollahs est dans sa phase finale. Le régime, a affaibli par de nombreuses dissensions en interne, et la contestation permanente populaire, ainsi que par une crise économique sans précédent. En plus le régime des mollahs iraniens n’est pas seulement violent mais aussi l’un des plus corrompus au monde. La corruption et les trafics sont partout dans les hautes sphères du pouvoir iranien. La République islamique vit sur le fil du rasoir. Alors pour se maintenir au pouvoir, ses dirigeants redoublent d’agressivité et de violence et exécutions. Selon différentes études réalisées depuis septembre 2022, les Iraniens sont près de 80% à vouloir un changement de régime.  »

La Fête du Livre à Triel samedi 1er juin au parc municipal de 10 h. à 17 h.

La fête du Livre, plus important évènement littéraire de la Commune de Triel-sur-Seine, se tiendra pour la première fois le samedi 1er juin au parc municipal (246 rue Paul Doumer), de 10h à 17h.
Toute la journée, des auteurs présents pour l’occasion viendront à la rencontre des Triellois. En effet, les acteurs du livre se livreront avec plaisir à la traditionnelle séance de dédicaces et aux entrevues avec les lecteurs de 10h à 12h30 et de 14h à 17h.
Parmi eux certains noms ne sont pas méconnus, tels que : Jean-Philippe Bêche, Fred Mannicot ou encore Jean-Yves Mollier. Au total près d’une trentaine d’auteurs de tous les courants littéraires français ou étrangers ont répondu présent.
Sans oublier le parrain exclusif de cette fête du Livre 2024 : Christopher Calmann-Lévy, héritier de la troisième plus importante maison d’édition de France et dont l’origine remonte à 1836.

Parallèlement, des ateliers et des animations, gratuits et sans condition de réservation, seront au programme. En effet, les visiteurs retrouveront notamment une exposition retraçant l’histoire du manga présentée par la 9ème BD (partenaire officiel de la fête du Livre), une initiation au dessin et au portrait manga ou encore un atelier caricature.

Le centre de loisirs des Châtelaines sera également présent avec un stand autour du projet Kamishibaï (théâtre typique japonais) ainsi que des ateliers jeux mis en place par la ludothèque Ludoasis basée à Triel.