Suite aux résultats du 9 juilet, le paysage politique est dans une phase chaotique et le moment est propice pour une réflexion sur l’avenir de ce pays après le Macronisme. Voici l’analyse de Paul Deboutin, un ancien éléve de Science-Po.
Si on résume les différents rapports de force et leur dynamique sur les dernières années :
le RN, bien qu’il échoue à arriver au pouvoir, mobilise désormais plus de 10 millions de voix. C’est + que Le Pen aux présidentielles de 2022. Globalement, d’élection en élection, il se renforce, sort de ses bastions et parle désormais à des électorats qui, jusqu’à présents, lui étaient hermétiques
la « gauche », unie ou non, et quelle que soit le parti arrivé en tête en son sein, ne parvient plus à dépasser le plafond de verre de30-35% des voix depuis 2014 lors des différents scrutins nationaux (présidentielles, législatives, européennes). De plus, son ancrage social est totalement contre-intuitif : elle convainc davantage les CPS+ que les ouvriers ou les employés. Son cœur populaire ne se réduit pas, mais se polarise, reculant dans de vastes campagnes populaires et de nombreuses petites et moyennes villes
le bloc élitaire-macroniste, s’il reflue progressivement depuis l’irruption de Macron en 2017, ne s’effondre pas pour autant en termes de voix. Par contre, il doit sa survie institutionnelle au barrage républicain et a perdu de sa force d’attraction dans les différents électorats qui composent son socle sociologique
« l’anomalie » que constitue Les Républicains, parti survivant tant bien que mal grâce à son noyau électoral formé de retraités et de personnes âgées qui survotent, est condamnée à cet immense paradoxe qui est d’être à la fois institutionnellement surreprésenté (et donc dans un rôle stratégique central) et, en même temps, condamné à une lente agonie électorale.
La tripartition politique du pays sort donc renforcée. A l’issue des élections, le blocage institutionnel immédiat à l’Assemblée arrange, d’une certaine façon, un peu tout le monde. Car celui qui aura à gouverner cet automne devra faire face à une grave crise budgétaire et une récession qui ne dit pas son nom, le tout surmonté par la volonté de l’UE de mettre le pays au pas, en engageant une procédure pour déficit excessif.
Quel est donc l’avenir ? Sur la séquence à court terme, je penche de + en + pour le scénario fiction que j’avais écrit dans mon précédent post : un gouvernement allant d’une bonne partie du PS à une partie des LR s’appuyant sur une majorité relative et qui finira par faire la même chose que ce qu’on connaît depuis 20 ans. Il y aura 2–3 trucs de lâchés par-ci par-là, mais le fond restera le même : s’adapter à la mondialisation, se conformer aux attentes de la Commission européenne, accompagner le développement de la marchandisation de la société.
Quand bien même la gauche arriverait par (je ne sais quel) miracle à demeurer unie et installer un gouvernement, elle se fracturera sur la question du budget et la résistance aux coups de pression de l’UE. Outre que son programme commun, uniquement axé sur la relance de la consommation, renforcera des déséquilibres économiques qui finiront par étouffer les bienfaits de la hausse des salaires.
A moyen terme, l’avenir politique dépendra des dynamiques au sein de chacun des 3 blocs, et notamment de savoir lequel des 3 s’écroulera le premier sous le poids de ses contradictions internes :
la gauche est tiraillée entre un bloc PS-EELV solidement pro-UE (et même pro-fédéralisme) et un bloc Insoumis qui applique de + en + une synthèse entre un discours économique de gauche et une stratégie électorale Terra Nova (privilégier l’addition des votes des jeunes, des femmes, des minorités plutôt que de bâtir une majorité populaire). Ces 2 ensembles sont trop divergents, trop différents, pour demeurer ensemble dans la durée, sauf à ce que l’un avale l’autre
le bloc élitaire va devoir construire l’après-Macron. Quel est le macronisme sans Macron ? Un bloc de différents électorats qui ont certes des intérêts communs, qui sont du côté de la France qui profite de la mondialisation (ou qui y aspire). Mais ce bloc ne survivra pas sans incarnation. Il peut tout à fait éclater et reconstituer un espace divisé, constitué de divers partis centristes concurrents et d’un partiel retour au bercail pour le PS et LR. L’enjeu est donc de maintenir la synthèse, de maintenir cette capacité qu’a eu Macron à fédérer autour de ce noyau microscopique mais très influents des hautes élites du pays divers électorats (CSP++, retraités, cadres)
le RN a perdu bien des plumes dans la dernière séquence. Sa crédibilité va être entachée. Mais sa base reste solide. Son principal point faible, c’est paradoxalement sa stratégie conquérante d’union des droites. Là où le RN constituait jusqu’ici un progressif bloc populaire cohérent, unifié par son rejet des effets de la mondialisation, son rapprochement avec LR et son réalignement sur la droite va le condamner à transformer son discours, son récit et son programme. Au risque de se transformer en « traître » auprès de son électorat populaire.
Bref, tout ça est bien peu joyeux. La seule petite lueur d’espoir que je vois, c’est qu’enfin quelqu’un saisisse les inévitables craquèlements qui vont se produire au sein des blocs de la gauche et du RN pour constituer un bloc majoritaire qui se donne enfin les moyens de faire autre chose. Une politique qui se donne ls moyens d’agir souverainement, de réindustrialiser le pays, de répondre à la demande forte de protection, de rétablir une justice fiscale, de recréer un État organisateur, de nous adapter à l’inévitable réchauffement climatique, de fédérer à nouveau le pays autour de principes forts, de stopper la fièvre identitaire qui veut communautariser le pays, de remettre de la démocratie directe, bref d’à nouveau vivre dans un pays soudé et fier d’être un éternel tourbillon d’indépendance et d’inventions.
Texte achevé le 10 juillet et proposé par Paul Deboutin
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