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Publié : 9 avril 2012

Législatives 2012

Comment sortir du trou noir de la finance ? Les solutions écologistes

Tribune du candidat EELV, Gaël Callonnec , sur la 7ème.

Économiste de formation, M. Callonec explique les raisons de la "crise la plus violente depuis 1929" et les moyens de s’en sortir. S’agissant du trou noir de la finance, les écologistes apportent des solutions.

La rédaction lance un appel à tous les autres candidats - dont le candidat sortant - de s’exprimer librement ici dans les colonnes du J2R (version web).

La crise financière que nous subissons est la plus violente que l’on ait connu depuis 1929. Comment avons-nous pu tomber dans ce trou noir aveuglement ? Comment l’écrasante majorité des observateurs a-t-elle pu oublier les leçons du passé, au point de se réjouir bruyamment de l’apparition des signes avant coureurs de la crise ? Comment ont ils pu accorder une confiance béate aux marchés au moment même où la bulle spéculative atteignait des sommets ?

Tomber dans le piège de l’efficience

Pendant des années, les financiers nous ont expliqué que le succès du système reposait précisément sur la confiance et qu’il fallait laisser le soin aux experts de s’en préoccuper à votre place. Lorsque j’étais sur les bancs de l’Université, on nous racontait que les marchés étaient « efficients ». J’ai aussitôt tiqué :

Pardon !? Efficaces voulez vous dire ?

Non, non, jeune homme, efficients ! Efficient signifie que : qui que vous soyez, quoi que vous fassiez, les marchés feront toujours mieux que vous ! Car le spéculateur, en cherchant à maximiser son profit, comme poussé par une main invisible, contribue à satisfaire l’intérêt général ».

Autrement dit, les spéculateurs savent mieux que vous orienter l’épargne vers les activités les plus rentables. Ce faisant, ils favorisent l’augmentation des bénéfices et donc la prospérité du pays, censée profiter à tout le monde.

En mon fort intérieur je me répétais, « les marchés, poussés par une main invisible, sont efficients ». J’ai aussitôt fait le rapprochement avec un autre credo : « le créateur, guidé par le Saint esprit, est omniscient », lui aussi sais tout et vois tout. Les financiers ont inventé un nouveau culte, un nouveau dogme, qui ne repose pas sur la foi mais sur la confiance. La confiance en quoi au juste ? Nul ne le sait vraiment, mais y suffirait d’y croire pour que ça marche. Et nos gouvernements sont tombés dans le piège. Les premiers furent les socialistes, Pierre Bérégovoy, Laurent Fabius, Dominique Strauss Kahn.

Prophétie auto réalisatrice

Pour restaurer la confiance, ils ont cédé sur deux revendications majeures du monde de la finance :

Ils ont largement exonérés d’impôts les revenus du capital, dans l’espoir d’attirer les capitaux du reste du Monde. Ont ainsi été exonérées de taxes : les plus values réalisées lors de la revente des actions (qui sont des titres de propriété des entreprises) et des obligations (qui sont des titres d’emprunt. On les dénomme ainsi, car elles ont l’obligation de vous rembourser). Les dividendes et les intérêts obligataires.

Ensuite, ils ont mis fin à la stricte séparation qui existait entre les banques d’affaire (qui gèrent les portefeuilles d’actifs de leurs clients fortunés en spéculant) et les banques de dépôts (qui collectent l’épargne des particuliers et offrent des crédits). Les banques d’affaires ont alors siphonné les liquidités des banques de dépôts pour spéculer massivement en bourse. Ce faisant elles ont lentement resserré le robinet des crédits aux entreprises.

Sachant que le fonctionnement de la bourse est comparable au marché immobilier : lorsqu’il y a plus d’acheteurs que de vendeurs : les prix montent. Ainsi, les achats massifs des banques, ont fait monter les cours boursiers. Or, plus ils grimpaient et plus les banques étaient tentées de jouer en bourse, dans l’espoir de réaliser des plus values. Plus elles spéculaient, plus les cours boursiers augmentaient. C’est ce que l’on appelle une prophétie auto réalisatrice.

Spéculation et chômage

Les entreprises, privées de crédit, se sont alors retrouvées tributaires de leurs actionnaires. Elles leur ont demandé des capitaux pour investir. Mais ceux-ci ont tout naturellement exigé d’elles des retours sur investissement à la mesure des plus values qu’ils étaient susceptibles de gagner en bourse. Ils ont donc exigé des taux de rentabilité de l’ordre de 15 voire 20% ! Comment nos entreprises dont l’activité croît seulement de 2 à 3% par an peuvent dégager de tels rendements ?

Elles ont eu recours à trois moyens : d’abord, elles ont comprimé les salaires. Ensuite elles ont remplacé les hommes par des machines pour produire davantage avec moins de main d’œuvre (Dans le jargon des économistes, on dit que « la substitution du capital au travail génère des gains de productivité »). C’est ainsi que sont apparus les premiers licenciements boursiers. Ensuite, nos entreprises se sont elles-mêmes mises à spéculer en bourse, (en rachetant des actions, en multipliant les prises de participation croisées) puisque c’était le moyen le plus simple d’afficher des taux de rentabilité mirobolants. Mais ce faisant, elles se sont mises à hurler avec les loups. Les cours boursiers ont atteint des sommets.

Mais la bulle explose et le trou financier s’amplifie

Les observateurs s’en réjouissaient : « si les cours montent, expliquaient ils, c’est parce que les spéculateurs anticipent des hausses de profits et que tous va pour le mieux ». En fait la bulle spéculative gonflait, tandis que l’industrie dégonflait. On a perdu des centaines de milliers d’emplois industriels. La politique bancaire est au financement de l’économie ce que la culture sur brûlis est à l’agriculture. Elle dégage des rendements mirobolants à court terme mais elle est désastreuse à long terme. Cette déconnexion entre la sphère financière et l’économie réelle ne pouvait pas durer. Et la bulle a explosé.

Les banques se sont retrouvées au bord de la ruine et elles ont coupé le robinet des crédits aux entreprises. Elles ont alors cessé d’investir et l’activité économique s’est effondrée. Les banques ont appelé les Etats au secours. Dans l’urgence, ceux-ci se sont endettés pour leur prêter en catastrophe plus de 700 Mds€, hélas sans contrepartie.

Avec l’explosion du chômage, les recettes de l’Etat ont fondu, tandis que ses dépenses sociales ont augmenté. Le déficit a grimpé en flèche. La dette publique française atteint le record de 84% du PIB. Les Etats les plus vulnérables se sont alors retournés vers la Banque Centrale Européenne pour obtenir un emprunt à faible coût. Mais celle-ci a refusé au motif que les traités lui interdisent de faire « tourner la planche à billet », autrement dit de prêter de l’argent à bas coût directement aux Etats.

Les gouvernements, se sont alors adressés aux banques et aux épargnants. Mais ceux-ci ont exigé des taux d’intérêts de plus en plus élevés, de peur de ne pas être remboursés. Les taux d’intérêt ont donc monté en flèche pour atteindre le record de 17% en Grèce. En France, la charge d’intérêt s’élève à 54 Mds. C’est devenu le premier poste de dépenses budgétaires du gouvernement, devant l’éducation nationale. L’Etat doit systématiquement contracter des emprunts pour payer le coût de sa dette antérieure, si bien qu’elle augmente à un rythme inquiétant. C’est le prélude à une spirale de surendettement qu’il faut impérativement enrayer.

La rigueur pour la rigueur...

Alors on nous a expliqué qu’il fallait être rigoureux, que le remède coûtait trop cher, qu’il fallait mettre le malade à la diète. En guise de cadeau de fin d’année, le gouvernement a fait discrètement voter entre noël et le jours de l’an, une hausse d’impôts de 18 milliards d’euros, qui pèse essentiellement sur les classes populaires et moyennes, puisqu’il a augmenté la CSG, la TVA sur les produits de premières nécessité, et la taxe sur les mutuelles.

A force de lui serrer la ceinture, on s’étonne aujourd’hui que le malade maigrisse : en réduisant ses dépenses, l’Etat a privé les entreprises de débouchés, si bien que le chômage a encore augmenté. C’est le « paradoxe de l’austérité ». On rigolera plus tard de ces thérapies, comme l’on rit aujourd’hui des saignées que l’on infligeait au moribond au XVII° siècle. En attendant, les prévisionnistes nous prédisent une croissance atone et une montée du chômage en 2012.

Curieusement, ceux qui réclament à corps et à cri l’austérité sont ceux là même qui refusent de mettre les revenus des capitaux à contribution. Nicolas Sarkozy nous jure qu’il va instaurer une taxe sur les transactions financières, mais il songe à un taux de 1/1000. C’est 5 fois moins que les droits de timbre qui frappaient les actions jusqu’en 2008 et qu’il a annulés. Le diable est dans les détails.

Au nom de la responsabilité individuelle, on impute tous les maux de la crise à ceux-là même qui en souffrent le plus : les chômeurs considérés comme des fainéants, les retraités, considérés comme un boulet au crochet de la société, les malades jugés comme de dangereux hypocondriaques, accusés de creuser le trou de la sécu.

Pourtant les solutions existent

Pour limiter les délocalisations et les licenciements boursiers, pour réduire les déficits, il faut impérativement réguler la finance, taxer les transactions financières et les revenus des capitaux.

Pour inciter les banques à offrir des crédits aux entreprises plutôt que de spéculer en bourse, Il faut interdire aux banques de dépôts de prêter de l’argent aux banques d’affaire. Obama a déjà adopté cette réforme en juillet 2010. Pour limiter les effets boule de neige sur les marchés, il faut interdire les pratiques hautement spéculatives, comme les ventes de titres à découvert, les assurances contre les moins values (qui encouragent la prise de risque) etc.

Il faut donner à la Banque Centrale Européenne (BCE) l’obligation de lutter contre le chômage et pas seulement contre l’inflation, pour lui permettre de baisser les taux d’intérêt et d’augmenter l’offre de crédit, en période de récession, pour relancer la machine. Ses statuts devraient lui permettre de refinancer directement les Etats en leur accordant des prêts à faible taux, comme aux US. Cette mesure aurait permis d’éviter la crise Grecque.

Les 170 milliards de dividendes et d’intérêts distribués chaque année en France, échappent largement à l’impôt : en pourcentage, ils sont moins taxés que les allocations chômages !

Les grosses plus values boursières sont moins imposées que les revenus du travail (elles bénéficient d’un « prélèvement libératoire  » de 21%. Ces avantages devraient être supprimés. En parallèle, il faut lutter contre l’évasion fiscale vers les paradis fiscaux en adoptant l’équivalent de la loi FATCA votée par Obama en 2010 pour obliger toutes les institutions financières étrangères qui ouvrent un compte à un citoyen français ou à une entreprises à capitaux majoritairement français de le déclarer au fisc.

Les transactions financières devraient être au moins taxées à 0,5%, comme le recommandait le prix Nobel d’économie James Tobin. Le supplément de recettes ainsi obtenu couvrirait largement le déficit de la caisse des retraites. Ces mesures nous donneraient la possibilité de réduire progressivement nos déficits sans aggraver le chômage. Au contraire, cela nous permettrait de financer les investissements d’avenir nécessaires pour la préservation de la planète et fortement créateurs d’emplois.