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Publié : 23 avril 2021

Immobilier

Coups de semonce à Conflans : le béton tue le bien-vivre

Le débat est vieux comme l’urbanisme : « Faut-il construire et comment intégrer le tissu existant tout en écoutant les revendications des habitants sur place ? ». Le cas de de l’ancien site Boulet à Conflans-Sainte-Honorine en est une illustration.

Depuis janvier 2021, le paysage associatif conflanais compte une nouvelle venue, l’Association des riverains de l’ex-site Boulet (ARB), qui se mobilise contre le béton à Conflans(1). Quarante adhérents et une série d’actions retentissantes sur le terrain ont fait prendre conscience que la ville se transforme en un temps record, se minéralisant tout en perdant son savoir-vivre et son bien-vivre(2).

La rédaction a rencontré son conseil d’administration et sa présidente, Mme Isabelle Semence, pour évoquer trois thèmes qui structurent le débat entre les autorités compétentes en matière d’urbanisme et les habitants actuels ; ceux-ci risquent de perdre gros après la construction de nouveaux logements dans une zone étriquée qui longe l’axe principal vers le centre-ville. D’abord, la densité préconisée par les pouvoirs publics est-elle contraire au bien-vivre du quartier ? Ensuite, comment satisfaire le besoin de logements en Île-de-France en général et dans la Confluence en particulier, si des opposants bloquent tout projet de construction ? Enfin, pourquoi s’opposer à cette politique publique ? En d’autres termes, comment atteindre une sorte de consensus entre les élus, les promoteurs/aménageurs et les habitants actuels ?

Un densité inquiétante

Rappelons que l’association ARB a pour objet « toute action nécessaire au maintien ou à l’amélioration du cadre de vie et de la vie de quartier autour du site Boulet, qui se trouve au cœur du centre-ville de Conflans-Sainte-Honorine.  » Pour les membres d’ARB, la multiplication des projets immobiliers de grande taille à proximité du site Boulet ainsi que les conséquences préjudiciables qui en seront le corollaire (augmentation massive du trafic routier, problèmes importants de stationnement, problème de pollution, etc.), rendent légitimes les inquiétudes des riverains de la zone proche de la gare quant à la dégradation de leur cadre de vie, les risques accidentogènes associés et la qualité de vie pour leurs enfants. « La densification de la ville et, en particulier, le projet de 130 logements Gambetta nous inquiètent », a déploré Isabelle Semence, présidente de l’association. Premier coup de semonce !

Sur un terrain de 4700 m2, le projet Gambetta(3) prévoit la production de 130 logements afin « d’optimiser les tissus bâtis existants et densifier les secteurs stratégiques pour lutter contre l’étalement urbain et préserver les espaces naturels  »(4). Dans un contexte d’embellie immobilière, la part de la construction francilienne réalisée dans le territoire de GPS&O est passée de 3,2 % (de 1996 à 2005) à 4,5 % (de 2006 à 2014) et, peut-être, plus depuis six ans. La communauté urbaine, dont la superficie est de 500 km2 environ, se fixe comme mission de réduire la consommation des espaces urbanisés par rapport à celle des dix dernières années, qui était de 65,5 ha par an (espaces consommés sur tout le territoire de GPS&O, hors carrières, entre 2003 et 2012).

Revoir le processus de prise de décision

En matière d’urbanisme, l’opposition d’habitants de l’intercommunalité, notamment de Conflanais de plus en plus nombreux, est nette. C’est un classique du genre : construire à quel prix ? S’agit-il d’une réaction «  nimbyste  » (not in my backyard) ? Autrement dit, ceux qui contestent cette vague de béton sont-ils « de vieux blancs et riches, qui ne veulent pas de jeunes ni de pauvres dans leur quartier » ? Les dirigeants de l’association ARB contestent cette interprétation car ils sont « d’accord pour accueillir de nouveaux voisins, mais pas au détriment d’une qualité de vie qui a fait la réputation de Conflans-Sainte-Honorine depuis des décennies ». L’association ARB a recensé six grands projets immobiliers dans un rayon de 400 mètres(5) qui produiront 402 logements avec une sur-concentration de logements sociaux (30 %). Elle s’interroge sur le coût des équipements publics (crèches, écoles maternelles, voirie supplémentaire aménagée…) et leur financement ? Deuxième coup de semonce !

Dans un contexte de contrainte écologique et de changement climatique, il faudrait au contraire revoir le système de prise de décision en matière d’urbanisme car « l’ARB veut garder des arbres, veut introduire des zones de protection de la biodiversité en site propre  ». C’est osé car depuis deux ans le Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi de toutes les 73 communes de la Communauté urbaine Grand Paris Seine & Oise) a été adopté et cette règle d’usage des sols s’applique à tous les acteurs de l’aménagement et de l’urbanisme. Ainsi, les autorités compétentes ont favorisé la construction de logements (habitat), le développement économique (emplois) et les transports, surtout routiers en fonction de la prééminence des véhicules individuels. Certes, la plupart des constructions ont vu le jour à l’ouest (dans le Mantois, à Poissy, à Carrières-sous-Poissy et à Achères). Désormais, Conflans-Sainte-Honorine est convoitée par les promoteurs qui se sont positionnés pour lancer des opérations plus ou moins adaptées à l’architecture locale (petit pavillonnaire, petites écoles…). Faudra-t-il demander une modification du PLUi ? La présidente de l’ARB s’en défend : «  Nous ne sommes pas contre les élus ou la politique publique menée, mais il faut qu’ils tiennent compte de l’existant !  » Sinon, on risque d’ériger « une zone verticale et minérale à côté de la gare de Conflans » qui sera néfaste pour les habitants, présents et nouveaux. Tous auront le besoin « d’espaces de respiration. » Troisième coup de semonce !

Il ressort qu’un certain nombre de Conflanais sont excédés par l’explosion des projets immobiliers. Le fait que le dialogue est rompu ne favorise pas une recherche de consensus car des habitants « ont besoin de comprendre et de se faire entendre » afin d’accepter des changements. Sinon, c’est le clash permanent avec des conséquence graves pour tous, y compris les promoteurs. Norbert Fanchon, PDG de Gambetta l’a souligné dans un communiqué, le 29 mars 2021, lié aux mesures promises par la ministre chargée du Logement : « Même si les intentions sont louables, il est difficile de croire à une totale fluidité des opérations dans le cadre d’un changement d’affection, alors que le chemin menant à l’obtention d’un simple permis de construire est déjà semé d’embûches… Attention [à ne pas s’éloigner] du fond du problème, à savoir la pénurie de logements neufs liée en partie aux verrous qui contraignent la construction résidentielle privée comme sociale ».

Post-scriptum

Notes

1. Lien : https://www.journal-deux-rives.com/des-habitants-se-mobilisent-contre-le-beton-a-conflans/

2. Voir la page Facebook : https://www.facebook.com/associationriverainsboulet

3. Pionnier du logement coopératif, le Groupe Gambetta dirigé par Norbert Fanchon, président du directoire, est un promoteur spécialiste de l’accession à la propriété. Créé à Cholet (49) en 1923, le groupe est présent dans l’ouest, le centre, en PACA, en Occitanie, en Île-de-France et en Auvergne-Rhône-Alpes, des territoires où il a construit plus de 35 000 logements depuis sa création. Il prépare aujourd’hui de nouvelles implantations afin d’atteindre une dimension nationale et de poursuivre son développement. Le Groupe Gambetta, qui compte 150 collaborateurs, produit 1 200 logements par an, égalitairement répartis entre le secteur social et le secteur privé.

4. Document officiel PLHI-GPS‑O, Programme local de l’Habitat Intercommunal Construire ensemble Grand Paris Seine & Oise, version approuvée du 14 février 2019.

5. Site Boulet : 130 logements ; Gymnase Foch : 66 logements ; 83 Avenue Carnot : 63 logements ; Hôtel de ville : 60 logements ; Rue du repos : 48 logements ; Rue de Pontoise : 35 logements.